De l'Autre Côté

Chapitre 81 : C'est dommage

Tandis que le duo enflammé Freddie Mercury/Michael Jackson fait vibrer les Démons avec « Another one bites the dust », un énorme gâteau d'anniversaire sur quatre étages est apporté par deux serveurs. Toute notre tablée applaudit pendant que les bougies fontaines brillent de toutes leurs étincelles, illuminant tout autour d'elles. « Joyeux anniversaire Alastor » est inscrit en pâte d'amande blanche de manière à prendre le plus de place possible sur le gâteau recouvert d'un glaçage aux couleurs pastels. À cela s'ajoute de petits cœurs rouges et de petites licornes multicolores qui décorent chaque recoin, sûrement une touche personnelle d'Eve. En parlant de la fillette, elle est debout sur son siège en train d'applaudir et siffler à tue-tête.

L'œuvre d'art est déposée au centre de notre table puis une fois les bougies éteintes, Eve s'empresse de la couper. Étonnamment, elle en sert d'abord une part à Alastor avant de s'en prendre deux. Il y a du progrès.

Alastor, qui ne s'est pas montré très loquace depuis le début, entame sa part une fois toute la tablée servie. Comme durant tous les autres services, j'ai le droit à ses nombreux regards indéchiffrables qui sont, ma foi... indéchiffrables. Mais le goût divin du gâteau de fête chasse tous les questionnements sur le comportement de mon voisin de table. Je savoure, bouchée après bouchée, ce splendide goût sucré et vanillé qui vous emmène tout droit vers le rêve de tout palais gustatif.

Ce n'est seulement qu'après m'être servie 3 fois, 7 pour Eve, que je me cale dans ma chaise rembourrée pour porter mon regard sur le ciel étoilé que nous offre le dôme en verre. La musique a ralenti, se faisant plus languissante, et les lumières se sont amoindries bien que celles de la ville illuminent toujours les bâtiments. Je passe mes mains sur mon visage, bercée par de douces notes mélodieuses. Autour de nous, les Démons se sont levés pour se mettre à danser langoureusement malgré le manque de place, du moins... pour ceux qui ne sont pas déjà en train de se dévorer sur les banquettes. Cet endroit est... hallucinant. Qui aurait pu se douter qu'un tel comportement dévergondé existait ? On m'a vendu l'Enfer comme un endroit soufré dont le sol se fissure constamment pour laisser apparaître la lave bouillante qu'il renferme et où la vie est un calvaire. J'étais loin de m'imaginer que l'Enfer était le lieu de la débandade et de tous les désirs. Mais au moins, ici, Gabriel n'a aucun pouvoir, et ça, c'est mon salut.

À côté de moi, Eve n'est pas mieux. Etirée sur le dossier de sa chaise, un bras pendant mollement dans le vide tandis que l'autre repose sur son ventre plein, c'est presque si elle ne roule pas par terre en pouffant.

Du coin de l'oeil, j'aperçois Romane se lever pour nous contourner et se faire une place sur les genoux d'Alastor. Malgré moi, je me redresse afin d'assister à la scène. Je devrais pourtant être habituée à ce genre de comportement, mais dans ces circonstances, quelque chose me faire grincer des dents. Sans plus attendre, c'est au tour de Lilith de se lever pour s'approcher du Diable. Sans grande surprise, elle tente immédiatement d'éloigner Romane qui ne cesse de caresser le torse d'Alastor en rigolant avec moquerie. Leur victime reste placide, aucune émotion ne se manifestant sur son visage. Néanmoins, c'est un nouveau coup de poignard en plein cœur qu'on m'inflige. Mon regard ne pouvant se détourner de lui, je décide de me lever et m'éloigner pour ne pas avoir à assister à cette orgie mesquine.

Et alors que j'allais quitter la salle de restaurant malgré Freddie Mercury et Michael Jackson, une voix familière m'interpelle :

– Angèle ?

Je me retourne immédiatement et découvre le visage rebondi et tout sourire de ma tante dans sa robe fleurie de soirée. Malgré les Monsieur Muscle à moitié à poil qui la suivent, je lui saute au cou. Elle m'enserre dans ses bras, ce qui consiste en un remède imparable pour alléger mon cœur meurtri.