Confortablement assise sur une chaise rembourrée, j'engouffre une délicieuse tartine de confiture de fraises. Alastor, lui, est tranquillement appuyé contre le dossier de sa chaise à siroter un jus de pamplemousse. Dire qu'il a meilleure mine serait mentir, le sommeil ne l'a pas aidé. A-t-il seulement dormi ? Des cernes retombent sous ses yeux, sa poitrine se soulève lourdement à chacune de ses respirations et ses égratignures se sont étendues jusque sur le dessus de sa main. Son teint est toujours rayonnant de soleil, mais je vois clair dans son jeu : il est exténué.
– C'est le meilleur petit déjeuner que j'ai pris depuis très longtemps !
Au commentaire de ma jumelle, le visage d'Alastor se fend d'un sourire amusé, lui redonnant une certaine vigueur. Pour ma part, j'ai un pincement au cœur. J'aurais dû m'investir davantage pour la retrouver, pour la sortir du cauchemar dans lequel ce connard l'avait plongée. Mais au moins, maintenant, elle est là, à côté de moi, comme au bon vieux temps.
– Et ce n'est sûrement pas le dernier, ajoutai-je en prenant la main de ma sœur dans la mienne. J'ai une piste pour te faire rentrer.
Attentive, Victoire focalise toute son attention sur moi et j'en fais de même avec elle.
– J'ai parlé au prêtre. Il m'a dit que pour préserver l'équilibre, il fallait échanger une âme contre une autre. Il suffit juste qu'on échange nos places, et après Alastor n'aura qu'à me ramener dans le monde des vivants grâce au pouvoir du Baiser de l'Ange. Et hop, nous voilà réunis ! Comme avant, ajoutai-je dans un murmure empli d'autant d'espoir que de désespoir.
Soudain, je sens une main se poser sur mon épaule. Surprise, je me retourne et croise le regard d'Alastor qui m'observe avec... une immense triste. Je crois bien ne jamais avoir vu cette expression dans son regard, et ça me tord le ventre de la voir ainsi.
– Angèle... En admettant qu'il soit possible d'échanger vos places, si tu donnes la tienne à Victoire cela voudrait dire que tu renonces à tes dons. Et donc... que je ne pourrais pas te faire revenir comme tu l'entends.
– Tant pis, dis-je, la voix enrouée par le désespoir avant de reporter mon attention sur ma sœur. Je resterai là, mais au moins, toi, tu seras de retour à la maison.
– Ça n'a aucun intérêt que je sois seule là-bas, on en reviendrait au même problème. Autant être à deux ici !
– Je... Je ne veux pas que tu souffres en restant ici, je sais que... tu n'aimes pas beaucoup cet endroit, même si tu n'oses pas me le dire.
– Et moi, je ne veux pas que tu te sacrifies pour moi ! s'emporta Victoire, les yeux injectés de sang. Je ne supporterai pas de te savoir ici alors que moi, je serais là-bas, sans toi.
Brusquement, ma jumelle m'attrape les mains pour plonger son regard empli de larmes dans le mien.
– Restons ici, ensemble. Je ne veux plus être séparée de toi, ça me fait trop mal.
– Moi aussi... soupirai-je douloureusement. Mais...
– Et ça te permettra d'éviter Gabriel, je refuse qu'il te fasse encore souffrir. Cet endroit... peu importe les vices qu'il renferme, est plus sûr que là-bas. Alors restons là, s'il te plaît. On refera notre vie, on aura une super villa avec une piscine et des chiens. On aura plein de chiens ! s'enthousiasme Victoire. On invitera Eve et Ruben, je leur ferrai des gâteaux. Et Alastor pourra venir quand il voudra, il aura toujours sa place chez nous. On sera ensemble, plus rien ne pourra nous arriver. Et puis le ciel orangé n'est pas si mal, c'est un peu comme un coucher de soleil éternel. On ira à la plage tous ensemble. Y'a-t-il au moins une plage ici ? demanda-t-elle avant de lâcher un petit rire. Peu importe, je suis sûre qu'un bâtiment doit renfermer une plage artificielle. Et puis... on serait aussi avec Tantine. Elle me manque, je n'ai pas eu le temps de...
Soudain, un gémissement douloureux nous interrompt et les murs se mettent à trembler si fort que de la poussière en tombe. Les Démons présents dans la pièce hoquettent de surprise avant de fixer les fissures qui commencent à lézarder la tapisserie. Pour ma part, je me retourne vivement vers la provenance de cette souffrance et vois Alastor, voûté sur sa chaise et sa main couvrant son visage déformé par la douleur. La panique se répand dans mes veines telle une traînée de poudre, et alors que j'allais l'interpeller, une voix enfantine familière me devance :
– Alastor !!
Eve et Ruben déboulent dans la salle du petit déjeuné et la fillette s'empresse de soutenir le Diable tandis que Ruben observe les alentours, l'angoisse assombrissant ses traits.
– Alastor... répéta Eve, la peur transperçant son intonation.
– Je sais, gémit-il difficilement. Ça fait déjà quelques heures qu'il essaie d'entrer.
La panique qui court mes veines se transforme en effroi, et je me fige, si bien que les mots qui sortent de ma bouche ont du mal à être compréhensible :
– Qui ça « il » ?
– Gabriel, me répondit Alastor en grimaçant de douleur. Il est ici.
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De l'Autre Côté
Paranormal« Vous connaissez l'expression « être une grenouille de bénitier » ? Eh bien je peux vous assurer que tous les membres de ma famille sont des batraciens. Par là j'entends : croix en folie et messes à gogo. Ma famille est si religieuse que Satan lui...