En ouvrant la porte de ma chambre, tous les événements me reviennent en mémoire tel un ouragan dévastant les villes. La croix cassée repose au sol, à côté de la Bible dont certaines pages sont déchirées, et mon ordinateur s'est rallumé sur le blog de Gabriel, la panne d'électricité maintenant réparée.
Je me pince les lèvres et serre le poing, sentant le serpent enrouler mon doigt et faire acte d'une présence réconfortante. Ne pas craquer. Avec une grande inspiration, j'éteins mon ordinateur de force et le débranche avant de le ranger dans sa hausse, le tout, sans même poser mon regard sur l'écran. Je ramasse ensuite ma croix dont le métal provoque une désagréable sensation au contact de ma peau, mais je l'ignore et la dépose sur ma table de chevet car c'est le mieux que je puisse faire pour le moment. Pour ce qui est de la Bible, je la ferme pour dissimuler les preuves de son mauvais traitement, puis la remets dans ma bibliothèque pour caler les autres livres qui sont tous couchés les uns sur les autres. Et bah voilà ! C'était pas si difficile. Et on évite la crise cardiaque de mes parents s'ils voyaient la croix par terre et la Bible ainsi malmenée.
Après ce grand ménage — oui c'est un grand ménage, je considère que débarrasser le plancher des encombrants est digne des plus grands ménages — je me laisse lourdement tomber sur mon lit. Sous mon poids, l'air contenu dans ma couette s'échappe et me rapporte des notes de terre chaude, sûrement le parfum d'Alastor. Je préfère être baignée dans son odeur que celle du sang des fichus Démons qui ont souillé ma chambre. Rien qu'en y repensant, un frisson d'effroi grimpe le long de ma colonne vertébrale.
Soudain, j'entends des voix s'élever dehors, mais je ne parviens pas à les distinguer, le vent s'étant fixé pour objectif de s'insinuer sous ma fenêtre. Néanmoins, je finis par entendre ma mère s'affoler dans le salon avant qu'elle ne parte ouvrir la porte pour crier :
– Ça suffit !
Le vacarme extérieur cesse mais ma mère continue :
– Toute forme de violence est intolérable. Oh mon dieu, mais vous saignez... ajouta-t-elle prestement, comme si ce détail lui avait échappé. Partez de chez moi !
La personne semble dire quelque chose, cependant je ne l'entends pas. Seul le hoquet courroucé de ma mère m'indique que ça ne devait pas être quelque chose de très gentil.
– Pour l'amour du ciel, Gabriel, entrez.
Je me fige, complètement paralysée par ce prénom. Mon père l'accueille chaleureusement avant d'extérioriser ses inquiétudes, mais je ne les écoute déjà plus. Non... je dois me montrer forte car c'est en étant faible que Gabriel arrivera à me manipuler. Je suis consciente de qui il est, du danger qu'il représente, alors je ne dois pas me faire avoir, il m'a déjà bien assez manipulée comme ça... Je le haïs.
Avec rage, je quitte ma chambre et descends lourdement les escaliers. Sous mon raffut, ma mère me réprimande d'un regard tandis que mon père s'affaire à apporter des soins à Gabriel qui semble saigner du nez. Bien fait pou lui ! Je lui infligerais bien le double, voire le quadruple, pour la manière dont il me considère.
Bien que j'arbore une expression sévère, Gabriel m'offre un grand sourire, tenant piteusement un sac de petits-pois congelés sur son nez.
– Angèle ! s'exclama-t-il avec une joie qui me répugne. Je suis content de te voir.
Face au comportement de Gabriel, ma mère est aux anges alors que le mien lui fait grincer des dents.
– Si seulement je pouvais en dire autant, répondis-je, les traits tirés par un sourire feint.
![](https://img.wattpad.com/cover/236015236-288-k784607.jpg)
VOUS LISEZ
De l'Autre Côté
Fantastique« Vous connaissez l'expression « être une grenouille de bénitier » ? Eh bien je peux vous assurer que tous les membres de ma famille sont des batraciens. Par là j'entends : croix en folie et messes à gogo. Ma famille est si religieuse que Satan lui...