Chapitre 59 : Plus que ça

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– Je suis désolée, Alastor, vraiment.

– Tu me l'as déjà dit.

– Je m'en veux de ne pas avoir cru en toi. En fait... je m'en veux de ne pas t'avoir écouté. Je ne sais pas pourquoi mais j'avais toujours foi en ton frère, je trouvais tes propos absurdes à son sujet. Après tout, il ne pouvait pas être mauvais. Il ne l'a jamais été jusque-là et... c'est Dieu.

– J'apprécie ta sincérité. Mais qu'est-ce qui te fait soudainement changer d'opinion ?

– Eve a semé le doute dans mon esprit, mais à ce moment je ne voulais pas l'entendre. Puis hier, dis-je en jetant un coup d'oeil à mon réveil indiquant 3h du matin. Gabriel est arrivé comme une fleur pour aider mes parents à descendre les courses, et ils l'ont bien évidemment invité à manger. Il t'a dénigré devant eux afin qu'ils m'empêchent de t'approcher. Puis Gabriel s'est valeureusement porté volontaire pour veiller à ma bonne conduite, ajoutai-je amèrement.

– Je reconnais bien là son impressionnante générosité, ironisa Alastor, un sourire mauvais sur le visage. Que t'a-t-il dit d'autre ? Car je vois mal mon frère s'arrête en si bon chemin.

– Il m'a prise à part en... arrêtant le temps, et m'a fait comprendre que je lui appartenais. Qu'il m'avait donné des choses et que de ce fait, une partie de moi est devenue sa propriété, crachai-je avec dégoût. Il n'a aucun droit sur moi !

Mon regard se braque brusquement sur Alastor. Témoin d'une injustice profonde, il lève les mains en signe d'innocence. C'est alors que la prise de parole de Ruben nous surprend tous les deux :

– Gabriel n'a de droit sur personne, mais il le prétend. Et malheureusement, ses fidèles s'y soumettent bien trop souvent. D'ailleurs, s'ils ne le font pas ils y sont rapidement contraints. L'autorité de Gabriel n'a d'égale que son ambition grandissante de pouvoir et d'assouvissement. J'imagine qu'il te l'a bien fait comprendre...

Je ne réponds pas, me contentant de baisser la tête à la remémoration du douloureux souvenir que représente notre aparté.

– Au moins, maintenant, tu sais à quoi t'en tenir avec lui, ajouta le jeune homme de l'ombre.

– Pourquoi est-il comme ça ?

– Ça, personne ne le sait, pas même lui. Et pourtant, ce n'est pas faute de se prétendre omniprésent, omnipotent et omniscient.

– Il est jaloux, corrigea Ruben.

– Dis donc, tu n'as jamais été aussi loquace en public.

– C'est parce que la sincérité et le courage dont fait preuve Angèle pour avouer ses erreurs me touche particulièrement.

A ces mots, Alastor observe l'homme avec une empathie et une attention témoignant d'un passé gardé secret dans l'intimité d'une peine partagée.

– Moi, je n'en ai pas eu le temps, avoua Ruben d'un ton si bas qu'il en est presque inaudible. Angèle ne mérite pas de se retrouver sous la coupe de Gabriel, mais elle ne mérite pas non plus d'être prisonnière des griffes de l'Enfer. Alors... j'essaie de faire ce qu'il y a de mieux.

Un sourire en demi-teinte étire les lèvres des jeunes hommes avant qu'Alastor n'éclate de rire. Suis-je la seule à ne pas comprendre les non-dits que partagent ces deux... amis ?

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant