Chapitre 48 : D'un commun accord

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Sur la route en direction de l'église, la tension dans la voiture est palpable. Les coups de volant de ma mère sont secs et ses yeux ne cessent de rencontrer les miens à travers le rétroviseur, tandis que mon père pianote sur le rebord de fenêtre.

L'enterrement s'est bien déroulé malgré la tournure qu'il a pu prendre dans l'église, mais l'intervention de Gabriel semble avoir déplu à mes parents. Je suis donc relayée au rang de vilain petit canard depuis hier. Ma mère m'a accusée d'avoir raconté nos secrets à Gabriel, ce qui est complètement faux. Elle m'a reproché les relations malsaines que j'entretenais avec Gabriel, ce qui est aberrant. Ensuite, mon père m'a calomnié de vouloir discréditer le prêtre, ce qui n'a jamais été mon attention. Et finalement, j'ai été blâmée pour avoir, je cite : « Pactisé avec le Diable », ce qui... n'est pas totalement faux, mais ça, ils n'ont pas à le savoir. S'en est suivi un lourd silence comme nous commençons à les connaître, puis je suis montée dans ma chambre. Technique sûrement futile et puérile, mais c'était ma seule défense face à toutes ces accusations. Il est loin le jour où je me suis retrouvée à l'hôpital, et il est encore plus loin le jour où notre petite famille parfaite baignait dans le bonheur. Vous savez la meilleure ? Il paraît que c'est à cause de moi, du moins c'est ce que mes parents ne cessent de radoter. Pourquoi ? Parce que le Mal a quitté ma mère pour s'ancrer dans mon corps.

Le coude appuyé sur le bord de la vitre et le menton reposant sur ma paume, je soupire. Ma mère me lance un nouveau regard et mon père pianote plus bruyamment. Eh bien... on a connu mieux.

– Le prêtre veut seulement t'aider, m'annonça mon père.

– Je ne suis pas possédée.

– Voilà que Gabriel a réussi à te monter la tête ! s'énerva ma mère. Continue comme ça et tu finiras comme ce jeune homme.

– Gabriel n'est pas mal intentionné.

Peut-être un peu étrange par moments, mais jamais il ne m'a voulu du mal. Il a toujours été présent et prévenant.

– Peu importe, nous allons revoir le prêtre, et cette fois... ça sera définitif. Le Mal ne doit pas régner au sein de notre famille.

– C'est toi qui nous a menti, je n'y suis pour rien dans tous ces malheurs, déclarai-je avec amertume.

Dans le rétroviseur, je vois ma mère me faire les gros yeux. Qu'ai-je dit ? La vérité ? Ah ça, on sait bien l'étouffer... Mais lorsqu'il s'agit de régler le problème, les accusations partent aussi vite que des balles, et on délègue par peur d'affronter son reflet.

– Ecoute, Angèle... commença mon père. Le prêtre a descellé un réel danger en toi, cela ne peut perdurer. Nous t'aimons, nous ne voulons pas que tu en souffres, c'est pour cela que nous t'emmenons le voir. Il n'y a que lui qui pourra t'aider à te débarrasser de cette noirceur que tu abrites.

Préférant ne pas envenimer la situation et étant suffisamment remontée, je ne réponds pas. Je pose donc mon regard sur le paysage défilant, me laissant happer par la vitesse hypnotique. 

C'est seulement après plusieurs minutes de silence que nous arrivons à l'église. Aussitôt garés, je sors de la voiture. D'un pas énergique, je traverse l'allée en graviers qui mène à l'église. J'entends mon père soupirer, puis le crissement des cailloux. J'entre dans l'église et ralentis aussitôt que ce sentiment de malaise s'insinue en moi et que la croix autour de mon cou se réchauffe.

– Angèle... me salua le prêtre à ma venue dans la nef. Je suis vraiment ravi de ton retour, tu as bien fait.

Mes parents entrent à leur tour pour s'avancer jusqu'au prêtre. Enfin tous réunis, ce dernier nous adresse un sourire chaleureux.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant