Chapitre 91 : Cadeau

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J'espère que je ne vous dérange pas.

Mon sang se glace, un horrible frisson me mord l'échine, et mon coeur s'agite dans ma poitrine tel un fou voulant se libérer de sa camisole.

Alastor se redresse, caresse une dernière fois ma joue et s'avance d'un pas vers l'intrus. Mon regard toujours figé à l'endroit où se tenait le Diable, j'ai du mal à respirer. Ça n'est pas possible, ça ne peut pas être possible. Je pensais que...

– Angèle, mon amour.

Terrorisée, je fais volte-face et croise le regard attendri de Gabriel. Je voudrais me faire petite, détaler à toute vitesse, mais je suis figée sur place. Comment ai-je pu être aussi naïve d'espérer lui échapper ? Comment cette simple idée a-t-elle pu me traverser l'esprit ?

Horrifiée, mes yeux sont rivés sur Gabriel telle une proie fixant son prédateur pour savoir à quel moment il va bondir.

– Mon frère ! s'exclama Alastor avec un enthousiasme feint en écartant les bras, comme pour l'accueillir dans une accolade familiale. Que c'est bon de te revoir et de nous honorer de ta sacro-sainte présence.

– Arrête de minauder, je déteste ça, encore plus quand ça vient de toi.

– C'est bien pour ça que je le fais, mon frère, rétorqua Alastor avec amertume.

– Tu es d'un ridicule.

– Oh, je te retourne le compliment. Seulement, vois-tu, ce n'est pas que ta présence ne me comble pas de bonheur, mais nous sommes un peu pressés par le temps. Il faut encore que je fasse découvrir à Angèle comment manipuler les gens pour qu'ils vous croient si bon.

– Donne-moi la fille, Alastor.

Heu, suis-je « la fille » en question ? Car je ne suis pas sûre d'apprécier ce qualificatif. « La fille » s'avance d'ailleurs aux côtés d'Alastor pour exprimer son point de vue :

– Va te faire voir, Gabriel ! Tu n'es qu'un monstre.

– Angèle... soupira-t-il d'un air sincèrement navré. Mon amour...

– Ne m'appelle pas comme ça ! En fait, ne m'appelle plus du tout, plus jamais. Je ne veux plus te voir, Gabriel, je veux que tu sorte de ma vie pour toujours. Tu me pourris l'existence !

Soudain, la mâchoire de Gabriel tressaute, ses poings se ferment au point de faire blanchir ses jointures et ses yeux brillent d'une rage profonde que personne ne voudrait confronter. Hors de lui, il réduit la distance de sécurité entre nous pour venir se poster à deux mètres de là. Je réalise alors que mes jambes ont bougé toutes seules et que j'ai reculé, contrairement à Alastor qui garde son calme froid, ce qui n'augure rien de bon.

– Comment oses-tu ?! vociféra Gabriel avec hargne. Petite insolente ! Tu n'as aucun droit pour me parler ainsi, je t'ai fait don d'une partie de mon âme, tu me dois le respect.

– Je ne te dois rien du tout, crachai-je de colère.

Alors que Gabriel, fulminant de fureur, allait se rapprocher davantage, Alastor prend la parole d'un ton neutre :

– Je vais te donner Angèle.

Soudain, le silence règne. Ma mâchoire tomberait par terre si elle le pouvait et mes yeux sortiraient de leurs orbites. À cet instant, mon coeur est en miette et mon âme complètement meurtrie. Je ne pourrais jamais me remettre de ce coup de poignard... Et ce regard empli d'une convoitise malsaine me paralyse d'effroi. Pourquoi tout le monde doit me trahir ? Ne puis-je donc avoir confiance en personne ? Je croyais qu'Alastor était différent. Que je suis stupide ! J'ai toujours été la gamine trop naïve pour se rendre compte du mal qui l'entoure. Quelle idiote ! Je ne sais pas qui je hais le plus : moi pour avoir été aussi stupide d'avoir espéré une fois de plus ou alors Alastor pour m'avoir lâchement trahi.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant