Chapitre 35 : La ligne rouge

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Je suis violemment jetée sur le sol en pierre de la pièce qui me sert de chambre, avant que papi ne ferme la porte derrière lui. Il me surplombe de toute sa hauteur, avançant vers moi pas à pas. Dans les films c'est toujours à ce moment que l'héroïne se met à pleurnicher et implorer le méchant en reculant sur les fesses. Et puis d'un coup, sans que jamais personne ne s'y attende, on vient la secourir, c'est le fameux syndrome de la princesse en détresse, aussi appelé « film ».  Malheureusement, ma vie n'a rien d'un film, bien que j'aurais préféré y trouver des similitudes de temps en temps. Evidement, je n'aurais pas aimé avoir des figurants qui se mettent tous à danser et chanter à chacune de mes actions, à la place... je vois plutôt ma vie comme un film d'action qui finit super bien et où l'héroïne n'est pas blessée. Bon, du coup ce n'est plus trop un film d'action... Disons donc une biographie, la biographie de moi-même. Le problème dans les biographies c'est qu'il y a toujours un gros truc à raconter... Je ne pourrais donc plus mener une vie tranquille. Je sais ! Je veux être un de ces figurants, pas un de ceux qui dansent, plutôt un que l'on retrouve au fond d'un diner à s'empiffrer de pancakes. Oui, ça m'irait parfaitement !

On en était où déjà ? Ah oui, papi, alias le méchant ayant perdu sa gloire, se rapproche de moi dans l'unique but de m'impressionner. Et je dois bien avouer que ça a un côté flippant... Sûrement parce que c'est un Démon.

- Ton comportement a été inacceptable durant toute la soirée, gronda-t-il. Plus jamais tu n'agiras ou ne parleras ainsi, c'est bien clair ?

Je ne réponds pas. Cependant, papi ne semble pas être patient, ce qui fait ressortir son côté démoniaque, surtout lorsque je sens plus que je ne vois la gifle. Je porte aussitôt ma main à mon visage et me relève en fusillant le vieux d'un regard noir.

- Comment osez-vous lever la main sur moi ?

- Et toi, petite insolente... s'énerva-t-il en m'attrapant la mâchoire. Que n'as-tu pas compris à ce monde ?

Je ne me décompose pas, bien que sa poigne soit douloureuse, au contraire, je soutiens son regard avec hargne.

- Faut-il t'envoyer dans le Limbes pour que tu sois enfin sage et docile ?

- Allez vous faire foutre, crachai-je avec haine.

- Oh, si distingué de ta part. Dommage que je n'en ai pas grand-chose à faire de ce que tu dis...

Sur ce, le vieux m'envoie un coup de poing dans l'estomac qui m'aurait tout fait vomir si j'avais mangé quelque chose. Le choc me plie, mais je me redresse rapidement afin de lui griffer tout le visage. Mes ongles marquent sa peau une seconde, et celle d'après tout disparait. Stupéfaite, je le dévisage. Bien sûr ! Lidia m'en avait pourtant parlé... Les démons ne peuvent pas être blessés ou tués, seul le Diable en est capable. C'est embêtant... car jusqu'à présent je ne suis pas le Diable.

- Tu n'aurais jamais dû faire ça, gamine.

Sans m'y attendre, papi sort une fine dague de son dos et presse la pointe contre mon ventre lorsque je tente de me dégager.

- Si vous osez... le menaçai-je.

Néanmoins, je dois avoir l'air bien bête lorsque je sens la pointe affutée de la dague transpercer la première couche de ma peau. Je grimace aussitôt, encore tenue par l'adrénaline qui m'empêche de me mettre à pleurer dans un coin de la pièce.

- Oh il y a beaucoup de choses que j'ose... laissa-t-il trainer en replaçant une mèche derrière mon oreille tout en m'observant avec attendrissement. J'aurais tellement aimé t'épargner cela.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant