Je me redresse lentement, reprenant petit à petit mes esprits. La paume pressée sur ma tempe, j'inspire profondément. Tentant de faire abstraction de la barre de fer qui semble me transpercer le crâne, je me redresse. L'endroit dans lequel je me trouve n'est autre qu'un studio rudimentaire sans fenêtre. C'est légal d'avoir ça, au moins ? On dirait que je viens d'atterrir dans la chambre d'isolement qu'un psychopathe pourrait avoir dans son sous-sol, un sous-sol qui serait bien insonorisé pour ne pas entendre les hurlements d'agonie de sa victime. Un frisson d'horreur me parcourt. Non mais pourquoi je pense à ce genre de chose ? Et puis cette pièce n'est pas si mal, elle est même très bien entretenue. Le papier peint sombre n'est pas déchiré ou moisie, la moquette sent le propre, le comptoir de la cuisine ne comporte aucune fissure, le miroir est immaculé, le bureau en bois est parfaitement bien rangé, l'armoire ne semble pas avoir souffert de son âge et le lit est recouvert de draps propres sentant la lessive. Toutefois, l'insonorisation laisse à désirer vue les notes graves de la musique extérieure qui résonnent dans la pièce. Bon... peut-être ne suis-je pas dans le repère d'un tueur en série.
Arpentant la pièce, je remarque un bout de papier, sur lequel est marqué mon nom, posé sur le bureau. Intriguée, je saisie de la lettre et la retourne. Des mots penchées aux lettres irrégulières marquent le papier, témoins d'un certain empressement. Je commence donc la lecture : « Je t'ai amené dans ce studio car je doute que mon frère puisse te trouver ici. Il évite cet endroit comme la peste et lorsqu'il y met un pied il se hâte pour en ressortir le plus rapidement possible. Personne ne viendra te déranger, je m'en suis assuré. Si tu veux te doucher, il y a une salle de bain et des habits propres dans l'armoire. Ne fais rien de stupide, Angèle. Et s'il te plaît reste ici, ne va pas voir ta famille ou l'orphelinat, c'est important. Il faut qu'on parle. Je te promets de faire vite pour arriver. Alastor ». Ne pas voir ma famille ? Ne pas aller à l'orphelinat ? Pourquoi me demanda-t-il ça ? Il faut bien que j'aille les voir, que je les rassure, que je leur dise que je suis toujours vivante. Merde.... Je soupire.
Secouée par des sentiments contradictoires, je repose la lettre et me dirige vers l'armoire. En l'ouvrant, je suis envahie par l'odeur d'Alastor, et pour cause, il n'y a que ses affaires. J'observe alors mon gros pull taché de vieille peinture puis soupire de nouveau avant d'entreprendre ma quête du « t-shirt à ma taille ». Je finis par tomber sur un t-shirt noir à l'effigie des Guns N' Roses et relativement petit. Je me dirige ensuite vers la porte entrouverte, supposant qu'il s'agisse de la fameuse salle de bain, et je ne m'étais pas trompée. Tout comme la chambre, elle est en parfait état et rien de suspect n'est à déclarer. Même si généralement et étrangement, dans les films d'horreurs, la salle de bain est toujours la pièce la plus impeccable. Sûrement parce que le tueur n'a pas envie de souiller sa victime. Trop galant de sa part, si vous voulez mon avis.
Face à moi se livre un vrai dilemme : me doucher ou simplement me rincer le visage ? J'aurais besoin d'une douche, aussi bien physiquement que mentalement, mais... c'est toujours à ce moment que le tueur frappe, lorsque sa victime est si vulnérable. Angèle, ressaisis-toi ! Ce studio est à Alastor et il a été rayé de la liste « psychopathe » depuis quelque temps. Donc pas de quoi en faire tout un scénario gore dans lequel mon sang maculerait tout le carrelage blanc de la salle de bain.
C'est donc avec un empressement que je me déshabille et file sous la douche. L'eau chauffe en seulement quelques secondes, ce qui facilite mon envie pressante de me rhabiller. Néanmoins, je dois faire face à la réalité : mes cheveux sont sales et ce n'est que le studio d'Alastor. Alors avec un soupir résigné, je mouille mes cheveux et les shampouine. Une délicieuse odeur de fleur de cerisier embaume la pièce se transformant petit à petit en hammam. Vous voyez, pas de quoi s'inquiéter... Aucun type brandissant un couteau ne viendra me poignarder.
En sortant de la douche, je m'enroule dans une serviette moelleuse qui reposait sur le bord du lavabo, pliée avec soin. Je me rhabille avec mon jean mais enfile le t-shirt d'Alastor, avant d'emprunter gracieusement quelques affaires méticuleusement déposées sur la tablette située en dessous du miroir embué.
Une fois mes cheveux brossés après un acharnement qui a causé la perte de certains, je retourne dans la pièce principale pour m'observer dans le miroir de plein pied. Mes cheveux châtains, raidis par l'eau, tombent négligemment sur mes épaules qui elles, baignent un peu dans le t-shirt. Essayant de vouloir ressembler à quelque chose d'autre que la fille dans The Ring, je noue le t-shirt au niveau de mes hanches et entreprends de tresser mes cheveux.
Après plusieurs minutes, mon regard finit par être attiré par la deuxième porte de la pièce, la seule que je n'ai pas encore ouverte. Sûrement la sortie. Vous pensez que j'ai été enfermée dans ce studio et que la porte ne s'ouvrira que pour me donner un plateau-repas contenant une bouillie infâme ? Faut vraiment que j'arrête les films d'horreur. Le pire : je ne les aime pas vraiment, je trouve toujours que l'héroïne est stupide et qu'elle pourrait éviter les situations mortelles si facilement. Et souvent, quand elle essaie de s'enfuir, le tueur la rattrape et l'assassine alors qu'il n'a même pas couru. C'est idiot... Ma psychose aussi.
Je m'avance vers la porte, pose ma main sur la poignée, et l'abaisse. Le battant s'ouvre sans émettre la moindre opposition. Aussitôt, des fragrances de cafés chatouillent mes narines et de douces notes de jazz et de blues se diffusent dans tout le lieu. Lieu que je définis comme un restaurant ou un bar, peut-être plus un bar vu le volume sonore de la musique.
Soudain, quelqu'un passe devant moi en me jetant un regard en coin et un étrange sourire, avant de continuer son chemin. L'obscurité m'empêche de discerner l'identité de cette personne, mais je n'y accorde pas plus d'attention, la curiosité du lieu m'ayant piqué à vif. Je referme donc la porte derrière moi et m'avance, traversant un couloir bétonné mais décoré de LED formant des pictogrammes de bière, de lèvres, de burger, et... de flamant rose ? Je rencontre quelques portes closes le long de mon trajet, mais finis par arriver devant un escalier. Je le gravis, laissant la lumière tamisée du lieu en contre-haut m'accueillir. Guidée par la musique, j'arrive à l'arrière d'un bar que je reconnais immédiatement comme étant « L'Au-Delà », soit celui de ma première rencontre avec Alastor. J'ai d'ailleurs toujours le souhait de m'amputer cette soirée de la tête... C'était une vraie catastrophe...
L'endroit n'est pas aussi bondé que la dernière fois et une toute autre atmosphère y règne, bien plus calme, moins... déchaînée. Plusieurs groupes de personnes sont confortablement calés dans de grands canapés en cuir marron à manger des pancakes et des oeufs brouillés. À côté de moi, un barman s'affaire à préparer des boissons chaudes, la bouilloire fumant et la cafetière soufflant à côté de lui. Le volume sonore de la musique empêche de distinguer les conversations, comme s'il fallait faire partie du groupe pour entendre ce qu'il s'y dit. Un rire éclate pas loin, attirant aussitôt mon regard. C'est alors que je la remarque, assise au bar, le visage caché dans ses mains. Je m'empresse de m'approcher d'elle, bien qu'une boule se forme dans mon ventre pour remonter jusqu'à ma gorge. Devant elle, une assiette de pancake à peine entamée et un jus d'orange.
Je pose ma main sur son épaule et l'interpelle :
– Anaïs ?
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De l'Autre Côté
Paranormal« Vous connaissez l'expression « être une grenouille de bénitier » ? Eh bien je peux vous assurer que tous les membres de ma famille sont des batraciens. Par là j'entends : croix en folie et messes à gogo. Ma famille est si religieuse que Satan lui...