J'allais lui répondre mais ma bouche s'engourdit immédiatement, si bien que j'ai l'impression d'avoir vidé une boite de sédatif. Soudain, je m'effondre mais Alastor me récupère immédiatement.
– Ne t'en fais pas, tout va bien.
Comment ça « tout va bien » ? Est-ce que j'ai l'air d'aller bien ? Ma vision maintenant entièrement floue et mes muscles ne répondant plus, je commence un peu à paniquer. J'essaie de nouveau de parler mais ma bouche refuse d'émettre un mot, seulement un petit grognement incompréhensible parvient à s'élever par-dessus mon mutisme forcé. Alastor me supporte maladroitement avant de passer mon bras autour de ses épaules pour commencer à m'entraîner je ne sais où. Ma respiration s'alourdit et je peine à rester consciente. Je ne suis pas sûre qu'un mojito puisse avoir de tels effets... Et je dois vous avouer que je ne me sens pas très bien, même pas très bien du tout. L'angoisse pulsant maintenant dans mes veines face à une menace inconnue, j'aurais dû pouvoir réagir mais mon corps est bien trop amorphe pour faire autre chose que se laisser porter par Alastor. Alastor...
Soudain, je manque de m'étaler par terre, emportée par la bêtise d'Alastor qui trébuche. Heureusement, il récupère mon poids mort in extremis, évitant à mon crâne de se fracasser sur le sol. Néanmoins, cette chute m'a permis de faire quelque chose que mon contrôle inexistant sur mon corps ne me permet pas de faire: voir derrière nous. Et ce que j'y vois, bien qu'entièrement flou, me glace le sang. La panique redouble face à cette carrure voutée typique d'un vieil homme et de cette ombre avachie sur ce qui semble être un canapé.
J'aurais voulu hurler et me débattre, mais mon mojito m'en empêche. Surtout, ne pas paniquer... Ne pas paniquer. Ma respiration se bloque malgré moi et la panique grimpe en flèche, envoyant un pic d'adrénaline douloureux dans mon cerveau. Cependant, mon état ne change pas si ce n'est la bouffée d'air que je prends lorsque mes poumons se remettent à fonctionner.
C'est alors que des voix s'élèvent derrière nous et que je sens cet Alastor de contrefaçon m'entraîner plus rapidement vers ce qui semble être la sortie.
– Arrête-toi tout de suite ! gronda la voix du véritable Alastor.
Toutefois, mon ravisseur ne l'écoute pas et accélère la cadence. Des pas accourent derrière nous, mon kidnappeur agrandit la foulée mais mon corps inanimé l'empêche d'aller vite. Déjà qu'il n'est pas très doué avec ses propres membres...
Nous n'avons même pas le temps de faire deux pas de plus que le type pousse un hurlement tout droit sorti d'entre les morts et me relâche par la même occasion. La gravité ayant raison de moi, je chute. Heureusement, le vrai Alastor me rattrape avant de me prendre dans ses bras pour retrousser chemin. Tout ce que je vois est le plafond sombre du hall d'entrée, ma tête pendant mollement sur le bras d'Alastor bien que celui-ci fasse au mieux pour éviter de me briser la nuque.
– Ça va aller, tenta-t-il de me rassurer malgré sa voix empreinte d'une inquiétude si soudaine qu'il ne parvient pas à la dissimuler. On va arranger les choses, tu vas voir. Et puis t'es assez forte pour surmonter ce... truc, quoi que ce soit.
J'aurais voulu lui répondre, lui faire part de mon absence de contrôle sur mon corps — même si je pense que cela est évident — mais ma bouche refuse d'émettre le moindre son, même pas un petit grognement.
Il me pose sur quelque chose de moelleux, sûrement un canapé, et enserre affectueusement ma main avant de vociférer :
– Que lui avez-vous fait ?!
– Ce... Ce n'est pas nous, Grand Maître, bredouilla la voix de Monsieur Richard. Je vous le jure.
– Je crois que c'est ça.
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De l'Autre Côté
Paranormal« Vous connaissez l'expression « être une grenouille de bénitier » ? Eh bien je peux vous assurer que tous les membres de ma famille sont des batraciens. Par là j'entends : croix en folie et messes à gogo. Ma famille est si religieuse que Satan lui...