Chapitre 30 : Bloquée

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Dès mon réveil, je m'habille avec les habits ordinaires qui ont été mis à ma disposition et me dirige vers la porte de la chambre ; mon seul et unique moyen d'avancer dans mes recherches. Je pose ma paume sur la vieille poignée et la tourne, mais rien ne se passe, la porte est verrouillée. J'expire de frustration puis commence à effectuer des ronds dans la pièce, à la recherche de quoi que ce soit d'utile. Je fouille les tiroirs, les commodes, les placards, mais ils sont tous vides ou occupés par des habits. C'est à en devenir folle. Je cherche dans les moindres recoins, un petit truc pointu pour tenter de crocheter la serrure comme dans les films, une lame pour me défendre, ou encore un objet bien lourd pour casser le battant. J'ai le droit de rêver, je sais très bien que je ne pourrais jamais crocheter la serrure, me défendre avec une arme, ou enfoncer la porte. On n'est pas dans un film, on est en Enfer, et... Soudain, on toque à la porte. Je me fige. Le cliquetis de la serrure retentit avant le grincement du battant, puis quelqu'un apparait dans l'entrebâillement : Lidia. Elle s'avance dans ma chambre avec un sourire en demi-teinte. Je me reprends et ferme brusquement le tiroir en poussant un râle agacé. Alors que je m'approche de la porte pour sortir de là au plus vite, Lidia m'attrape par le bras, un bras complètement guérit, comme par miracle.

- Angèle... soupira-t-elle tristement, ce qui contraste avec son accent chantant. Je te l'ai dit, mais je te le redis : n'espère rien, nous sommes en Enfer.

Déterminée à libérer ma soeur de l'Enfer, justement, je soutiens son regard avec vigueur.

- Et moi je ne sais pas si je te l'ai déjà dit, mais rien ne m'arrêtera.

Lidia relâche mon bras, et je me dirige vaillamment vers la porte en bois. Cependant, alors que j'allais l'ouvrir, elle le fait d'elle-même, ou plutôt... papi le fait, un grand sourire collé sur son visage vieilli.

- Où comptes-tu te rendre comme ça, Marion ?

J'ai un moment d'hésitation, ne connaissant aucune Marion, puis me rappelle que je lui ai donné une fausse identité. Je me ressaisis donc rapidement, le dos droit, le menton haut, et les yeux rivés sur les siens.

- Dehors, et que ça vous plaise ou non, déclarai-je avec assurance.

Son vieux visage se ride en un sourire moqueur, et il s'avance vers moi après avoir verrouillé la porte derrière lui. Néanmoins et contrairement à la fois précédente, je ne suis pas seule ; Lidia est à mes côtés. Mais en la voyant s'incliner devant monsieur, je désespère. Sérieusement, pourquoi ai-je l'impression de mener seule ce combat ? Ah oui, parce que je le suis.

D'un geste bien trop vif pour son âge, papi me saisit brusquement le poignet afin de me ramener contre sa poitrine.

- Lâchez-moi espèce de mufle !

Je me débats de toutes mes forces, mais sa prise ne diminue pas du tout. Face à ma vaine vaillance, mon agresseur s'esclaffe d'un rire gras.

- Je vois que Lidia ne t'a pas tout dit. Mais sache que plus un Démon passe du temps en Enfer, plus ses capacités physiques augmentent. Donc à côté de moi tu n'es qu'un moustique.

- Vous allez voir ce que le moustique va vous faire.

D'un geste déterminé, j'attrape la chevelure grisonnante de mon interlocuteur et la lui tire de toutes les forces. Démon ou pas, âgé ou non, ça fait mal et je sais de quoi je parle, Victoire et moi nous tirions souvent les cheveux quand nous étions enfants.

L'homme grogne de rage avant de me propulser — et je pèse mes mots — contre le lit à baldaquin. Ma tête heurte alors violemment le bois ciré, non pas que j'ai eu le temps de voir ce détail avant mon impact, je l'avais déjà vu auparavant, qu'on se comprenne bien. Mes oreilles se mettent à siffler tandis que ma vision se brouille. Les muscles engourdis, je ne parviens pas à me lever, et j'assiste, impuissante, à une effroyable scène. Le vieux saisit brutalement Lidia par la nuque, avant de rapprocher son visage crispé par la colère.

De l'Autre CôtéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant