Lettre XIII, Du Roi à Monsieur

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Je ne peux te rendre le Chevalier, pas après ce qu'il a fait, après ce que tu as fait.

Trahir un secret d'état ? Pire encore, obtenir ce secret en mettant en son lit la maitresse d'un de mes ministres, je ne peux lui pardonner cela. Pas plus que je ne peux te pardonner de le défendre ainsi, à corps et à cri alors qu'il est évident que le Chevalier ne cherche qu'à t'éloigner de moi et de la Cour. Tu ne t'ai pas demandé comment il a obtenu la confidence ? Le Chevalier te trompe avec de nombreuses femmes, mon frère, et ce ne sont pas que des paravents ou à des fins d'en tirer des confidences sur l'oreiller.

Je suis terriblement peiné de constater que tu choisis encore et encore le parti du Chevalier plutôt que le mien ou celui de ton épouse. Je ne sais plus comment faire pour que tu réalises que cet homme que tu aimes tant n'est pas digne de ton amour. Pour te faire comprendre qu'à cause de lui tu as détruit le peu qu'il restait de ton mariage. Pour que tu comprenne que sa voix susurant au creux de ton oreille ne te donne que des mauvais conseils.

Comme ce départ précipité ! C'est d'un ridicule achevé !

Je ne peux te le rendre, ni tempêter encore et encore contre ce qu'il s'est passé. L'important est que tu sois revenu. L'important est que tu ais fini par m'écouter même si Athénaïs a dû te supplier de le faire. Ne la punis pas, je t'en prie, elle est bien ton amie, avant d'être ma maîtresse, elle a plaidé te cause mieux que tu n'as su le faire.

Mais j'ai lu tes lettres, je vois bien que tu cherches à m'expliquer ton geste, cependant, sache que je ne reviendrais pas sur ma décision. Le Chevalier demeura en exil, j'ai décidé de l'envoyer loin de la Cour, loin de la France où il ne pourra plus nuire. J'ose espérer qu'il profitera de cet exil pour comprendre que ses actions ont des conséquences et son absence d'obéissance ne peut perdurer. Il ne peut continuer ainsi et espérer retrouver le plaisir de vivre en ma Cour.

Si tu l'aimes autant que tu me le dis, alors persuade le de comprendre comment nous fonctionnons, comment nous vivons, il se doit de suivre les règles autrement je devrais me passer de ses services et toi de sa présence. J'en suis désolé mais ce n'est plus de mon ressort mais du sien.

Je le libère de sa prison et l'envoie en exil à la condition que tu restes en la Cour et accepte que ta femme parte en Angleterre. Je te dévoilerais les raisons de son voyage en temps et en heure. Je ne comptes pas te cacher quoi que ce soit, mon frère, j'ai seulement la crainte de ce que tu peux dire à ton amant qui ne sait garder les lèvres closes. Il m'en a fourni la preuve par son comportement. Si cela peut te rassurer, sache qu'Henriette n'en sait pas plus que toi.

Je vous dirais tout quand il sera temps et j'exigerais de vous tant l'obéissance que la discrétion, tout ce que je peux te dire à cet instant est que je ne fais pas toutes ces actions, ne te demande cela sans d'excellentes raisons. Mon frère, tu m'as promis quand je suis monté sur le trône que tu serais toujours à mes côtés, me soutiendrais, que tu ne me trahirais jamais. Je te prie de te souvenir de cette promesse et d'accepter ma décision.

A présent que j'ai dit toutes les choses pénibles et douloureuses qui devaient être écrites et transmises, permet moi de te dire combien je suis heureux que tu sois de retour à Versailles, combien mon palais, ma Cour me paraissait vide sans toi, combien ton absence en mes appartements, en mes repas, en mes balades m'ont alourdi le cœur, et combien j'aimerais que tu acceptes de venir me donner tes conseils en vue de la campagne de Hollande.

Je t'aime mon féfé, ne l'oublie jamais.

19 mars 1670, Versailles.

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