Lettre LXXIII, de Monsieur au Roi.

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Pouvons-nous pardonner à notre cousine ? Elle m'a envoyé une lettre où elle s'excusait de son comportement, mais elle arrive bien après la tempête, après tous ses mensonges et humiliations. Je ne veux plus songer à tout cela, je ne veux plus souffrir à cause des femmes. Est-ce trop en demander ? Je crois avoir suffisamment subi, non ? Je ne te dis cela pour me faire plaindre. Enfin, peut-être un peu ?

J'aimerais surtout que tu gardes cela en tête quand tu verras les princesses dans l'optique de me remarier. Je voudrais une femme qui ne fasse des scandales et des crises de jalousie, qui ne cherche à s'attirer les regards et les flatteries, qui n'est sans cesse en compétition avec moi sans raison, et surtout qui ne nous cause du tort. Promets-moi que tu me trouveras une épouse qui ne soit pas tout cela, qui ne me rappellera ni notre tempétueuse cousine ni mon épuisante et défunte femme.

Je sais bien que ce mariage sera dicté par la nécessité d'alliance et de la guerre, mais je voudrais enfin trouver la paix en mon foyer, ne plus subir d'humiliations publiques, trembler à chaque fois que je me présente à la Cour. Et je pense que toi non plus, tu ne veux plus de tous ces éclats. Tu as besoin que je sois à tes côtés et mon épouse aux miens, tu as besoin de montrer que nous sommes un front uni, une famille puissante dont tes ennemis ne pourront tirer parti des failles et fragilités.

Songe à tout cela quand tu choisiras ma fiancée.

Nous étions jeunes et pleins de vaillance quand nous avons affronté ces tumultes, mais en vieillissant nous aurons de tranquillité, ne le crois-tu pas ? J'aspire à cette paix que j'ai réussi à trouver après ces mois de deuil. Je me sens apaisé et calme, je ne me dispute plus avec toi ou avec qui que ce soit. Puissions-nous continuer ainsi, je suis las de toutes ces batailles puériles, même avec toi. J'aimerais que nous soyons deux frères pouvant se faire confiance, s'entraider. Pas toi ?

Le choix de mon épouse déterminera bien des choses, pas uniquement le visage de la guerre et le jeu des alliances. Il s'agit de bien plus que cela ne l'oublie pas. De son caractère dépendra ma vie intime, nos vies en tant que famille, mais celle de la Cour. Henriette était belle, brillante, intelligente, vive, et tout le monde l'adorait, mais toutes ses crises, éclats, batailles et rumeurs sordides nous épuisaient sans qu'on ne s'en rende compte. Plus encore, elles ont donné à notre Cour la réputation d'un nid de vipères.

Les choses peuvent changer si nous le désirons. Les courtisans suivent chacun de nos actions et de nos choix. Regarde la rapidité à laquelle ils adoptent une mode que nous lançons, comme les perruques qui ont fleuris sur nos têtes dès que les nécessités médicales t'ont obligé à en porter. Moi le premier en ait toute une collection dont je raffole ! Nous ne faisons pas que donner l'exemple, nous impulsons un mouvement qui est suivi par la suite. Aussi, y réfléchir est des plus importants. Tu le sais sûrement déjà, je voulais simplement te le rappeler.

20 mars 1671, Paris.

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