Lettre LXXXIV, de Monsieur à Athénaïs.

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Je suis terriblement désolé pour toi. Au moins, Lauzun paie enfin ses crimes, cependant, je regrette que ma cousine en subisse également les conséquences. Tu vas me dire qu'elle l'a bien cherché, mais je crois bien que ça serait injuste de notre part. Aussi je ressens un étrange mélange de remords et des désappointements, car malgré tout, elle reste mon amie.

Quant à mon épouse, c'est un esprit vierge et libre, peut-être plus libre encore que notre cousine. Elle n'a jamais obéi à une quelconque étiquette, à ce qu'elle m'a raconté son père la laissait courir la campagne. Il semble qu'il lui ait octroyé une éducation plus que légère, tout occupé avec sa maîtresse et les enfants que cette dernière lui a donnés. Nous avons ainsi quelques points communs, une enfance où nous étions des créatures plus sauvages que nous n'aurions dues.

Mais lorsque mon frère et moi avons dû nous plier aux règles de la Cour et devenir les êtres civilisés et compliqués que nous sommes à présent, mon épouse elle a continué à être une créature sauvage défiant tous les prétendants que son père lui a présentés, plus encore, défiant son père et sa nouvelle épouse. Je ne peux qu'admirer ce caractère comme le craindre. J'espère qu'elle prendra toutes les leçons que je lui donnerai avec le plus grand sérieux, car je redoute ce qu'elle subira si elle ne s'adapte pas très vite.

En effet, quand je l'ai vue arriver avec ses chapeaux, ses fourrures, ses bottes pleines de boue, je n'ai pu m'empêcher de craindre les moqueries que les courtisans lui feront subir si elle conserve ces manières. Nous serions parfaitement ridicules si je suis plus poudré, paré et mieux mis qu'elle. J'imagine que c'est le lot de toutes les princesses étrangères qui doivent s'adapter aux coutumes d'un pays dont elles ne savent rien !

Je me souviens des premières années de la Reine à la Cour, combien cela fut difficile pour elle, je ne voudrais que ma nouvelle épouse subisse cela. Je ne sais comment mon frère a pu la laisser endurer cela, encore que, j'ai cru comprendre que Marie-Thérèse a son caractère et qu'elle n'a rien voulu entendre. Cela a dû être difficile pour eux deux. Mais nous avons déjà noué un lien, Liselotte et moi, c'est son surnom. Même si elle est un peu farouche, elle sait que je ne veux que l'aider.

En effet, je pense pouvoir l'habiller à la dernière mode, à l'initier à nos coutumes et lui apprendre tous les secrets de l'Étiquette. Cependant, je ne suis qu'un homme, malheureusement. Je vais avoir besoin de toi. Tu es la grande préceptrice des courtisanes, pas une seule dame à la Cour ne fait quoi que ce soit sans songer à toi, prenant ton exemple comme ligne de conduite à suivre. Si tu ne te moques de ma nouvelle épouse, lui montre de l'amitié et de l'intérêt, je suis convaincu que les autres en feront de même ! Ne penses-tu pas ?

30 novembre 1671, Paris


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