Lettre XLIII, d'Athénaïs à Monsieur.

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Philippe, mon pauvre ami, quelle épreuve cela doit être pour toi. J'aurais aimé venir te voir en personne, mais je ne puis en cet instant. Au moins ton frère est à tes côtés, ainsi tes mignons. J'espère que tu les laisses te consoler et ne joue pas encore au protecteur avec eux. Tu as besoin qu'on prenne soin de toi en cet instant, je ne doute pas que le Chevalier te l'ait dit, mais l'as-tu seulement écouté ? Je te prie de laisser tes amis faire leur travail d'amis, d'être là pour toi comme toi tu l'as toujours été pour nous.

Je me désole de ce que tu traverses, la seule chose qui me console est qu'au moins tu es délivré d'Henriette. Personne n'osera le dire, mais je ne vais pas souscrire à cette hypocrite tradition de transformer les morts en saints. Henriette n'avait rien d'une innocente et elle t'a fait subir bien des tourments. Son trépas t'en délivre d'une certaine manière et si le Chevalier avait été là, tu aurais pu t'en réjouir quelque peu, mais avec son absence et ces terribles rumeurs...

Celles en provenance d'Angleterre ont dû te parvenir. Louis t'aura conté que ton beau-frère te croit coupable. Celui-ci a eu le crâne bourré d'idioties et de mensonges par Henriette, il n'y a rien d'étonnant donc à ce qu'il te croit coupable. Mais c'est uniquement parce qu'il ne te connaît pas. Faut dire qu'en te laissant attendre ton épouse à Calais, Charles ne risquait pas de te connaître ! Mais rien n'est figé dans le marbre, Louis fera en sorte qu'il change d'avis à ton sujet. Comme tu le sais, il ne songe qu'à son précieux traité et fera tout pour le préserver.

Mais toi, tu dois songer à te protéger ainsi que ta réputation, au-delà du traité. Il importe que ton beau-frère réalise quel homme de bien tu es. Je suis persuadée que cela, il te suffirait de te livrer en quelques lettres. Sois sincère, sois toi-même, et Charles réalisera qu'il se trompait. Peu importe les rumeurs et ce qu'en diront ses conseillers, je sais qu'il est impossible de te détester lorsqu'on te connaît.

Ce qui m'inquiète, c'est plutôt ce que j'entends au sujet du Chevalier. Vois-tu, ton frère est prêt à jeter en prison tous ceux qui émettront la moindre théorie complotiste fumeuse à ton sujet, mais pour ce qui est du Chevalier, il estime que ce n'est pas de son ressort. Et au fond, il n'a pas tort. La médecine a prouvé son innocence, mais pour certains, cela n'est suffisant et déjà j'entends s'échafauder les pires théories. Certains prétendent que le marquis d'Effiat serait le complice du Chevalier et que c'est par son biais que l'empoisonnement a pu être commis.

Je voulais que tu saches ce qu'il se raconte en la Cour, puisque tu t'en tiens éloigné en ces instants. Ce que je comprends, surtout après ces affreux bruits qui ont couru à ton sujet. Mais je peux te rassurer sur ce point, quand les conclusions ont été rendues publiques et que ton frère a expliqué ce qu'il en était, tout le monde s'est tu. Même les plus proches amis d'Henriette reconnaissent que tu serais incapable de faire du mal à une mouche. Plus personne n'ose dire du mal de toi, en revanche, le Chevalier est devenu leur tête de Turc.

Cela ne change du vivant d'Henriette me diras-tu, mais j'ai peur que ces rumeurs ne s'enracinent et qu'elles soient plus impitoyables encore, car entre être considéré comme un débauché et un meurtrier il y a un large fossé, je trouve. Je sais que tu te soucies de lui et de son retour, aussi je t'avertis de tout cela, et naturellement, je reste ton amie, ton soutien, si tu me dis quoi faire j'essaierai de faire au mieux pour faire taire ses idiotes rumeurs.

4 juillet 1670, Versailles.


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