Lettre LXVI, d'Athénaïs à Monsieur.

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Mon cher Philippe,

Je me dois de te faire part d'une affaire des plus délicates et j'ai insisté auprès de ton frère pour que ce soit moi qui te l'annonce. Je refuse à ce que qui que ce soit d'autre évoque le sujet tant il me touche personnellement et touche à mon intimité qui a été, soyons francs, violée !

Et je m'excuse d'avance, car ce que tu vas lire changera ta vision de ta cousine et d'un ami que tu as toujours pensé loyal à ta personne. Moi aussi je l'ai cru et ai été éminemment déçue !

Je ne ferai pas plus de mystère, il s'agit de Lauzun. Ce dernier manœuvre depuis des mois. Il a séduit ta cousine afin d'obtenir des faveurs puisqu'il ne parvenait à en obtenir du Roi. Je l'ai vu faire, il faut bien dire qu'il n'est pas des plus discrets. Hélas, je pensais quela Grande Mademoiselle était plus résistante que cela à ce genre de manipulation. Mais peut-être que l'âge et la solitude ont joué ?

Quoi qu'il en soit, persuadée qu'il l'aime passionnément comme il le prétend, elle a demandé auprès du Roi à pouvoir l'épouser. Ce dernier lui avait rétorqué que ce serait une mésalliance et le sujet avait, semble-t-il, été clos. Nous l'avions tous pensé, mais quand ton frère a commencé à parler de mariage entre elle et toi, et qu'elle a émis toutes ces réticences, j'ai fini par me poser la question.

Figure-toi que j'ai surpris Lauzun en train de lui parler dans les jardins. Il l'encourageait à t'épouser, ne voulant s'attirer les foudres du Roi, mais il a aussitôt évoqué des faveurs et places. Il me paraît évident qu'il n'a pour but que de manoeuvrer ta cousine afin d'obtenir ce qu'il n'arrive à obtenir par lui-même. L'ennui est qu'elle est profondément amoureuse de lui et ne voit la fourberie qui se joue sous son nez. Si le mariage se fait en l'état, elle laissera rentrer le serpent en ton nid, soit s'en assurer !

Je ne peux taire la révolte qui gronde en mon sein ! L'idée que ce stupide nabot tente de vous manipuler me fait hurler intérieurement ! Tu es bien trop doux et parfois naïf pour ne pas voir les manœuvres de Lauzun. Ton frère les voit, il a été patient avec lui, mais je pense qu'il ne le sera plus après cette histoire. Tu sais à quel point il déteste les flatteries à des fins de tromperies et plus encore qu'on cherche à t'utiliser.

Je voulais que tu saches que Lauzun n'est aucunement ton ami et que ta cousine n'est plus la confidente fiable que tu croyais avoir. J'en suis véritablement désolée. Tu as toujours été proche d'elle, a toujours cru pouvoir t'épancher avec elle, mais ce n'est plus le cas. Comme toute femme amoureuse, elle a perdu l'esprit et la raison, tout ce qui lui importe désormais est d'être avec son Lauzun !

7 novembre 1670, Saint Germain

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