Lettre XVIII, du Roi à Monsieur.

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Ni tes cris ni tes larmes n'y changeront quelque chose, Henriette partira. Elle le doit. Tu peux douter de mes décision politique, tu peux me donner des conseils mais tu sais parfaitement que j'aurais toujours la décision finale et que si tes conseils me déplaisent je n'en tiendrais compte. Je laisse peu de personnes me parler comme tu le fais, et personne en ma famille ne peut me parler de politique comme tu le fais. Je t'accorde beaucoup de choses Philippe parce que je t'aime et te fais confiance.

Tu as toujours été quelqu'un de sensible et raisonnable à la fois, ce qui j'en suis persuadé, fait de toi quelqu'un de très capable en matière de conseils avisés. Tu penses comme je ne le fais pas. Tu connais le cœur des hommes et du peuple comme ni moi ni mes conseillers et ministres ne le connaissent. Nous sommes trop prit par la politique, nous voyons l'ensemble sans songer au particulier, mais toi, toi tu as un assez grand cœur pour écouter les fragiles voix qui s'élèvent de la masse, pour écouter leurs complaintes.

Je t'ai toujours écouté parce que ta voix était différente, qu'elle ne venait me supplier des faveurs ridicules, des avantages mais qu'elle plaidait pour les petites gens et m'apportait un éclairage différent sur les situations complexes que je dois faire face tout les jours. Tu as toujours été un précieux appui sur lequel j'ai su me reposer quand je n'étais plus capable de voir dans l'agitation l'ensemble du tableau.

Et puis, tu as commencé à demander des faveurs, pour Henriette d'abord, pour le Chevalier ensuite, tu t'es mis à refaire des crises de jalousie, de fierté mal placée comme tu le faisais enfant. Je me souviens parfaitement de nos disputes d'alors, et j'ai toujours su quel en était le motif. Tu te crois délaissé, pas écouté, tu penses ne pas compter parce que tu passes en seconds, tu te sens étouffé, brimé.

Pourtant, je t'écoute, je te fais siégé à ma table en mes repas alors que tout le monde reste debout, tu es le seul membre de ma famille à avoir jamais siégé à un conseil depuis ma majorité, tu es le seul à m'accompagner sur le champ de bataille comme en mes conseils de guerre. Tu ne supportes d'être dans l'ombre, jalouse ma position, pourtant je sais que tu ne tiendrais même pas une journée dans ma peau. Tu ne supporterais toutes ces décisions à prendre, tous ces regards braqués sur toi, tous ces courtisans qui te supplient de leur accorder mille et une faveur. Je crains que tu viderais les caisses de l'état pour te défaire de leurs suppliques.

N'est-ce pas pour cela que tu as fait toutes ces demandes excentriques pour Henriette puis pour le Chevalier ? Au fond de toi, tu savais qu'il m'était impossible de t'accorder de telles choses, mais parce qu'ils ne cessaient de te harceler, tu l'as fait. Mon pauvre frère, tu as toujours été si influençable. Ne crois pas que je me défie de ton intelligence, c'est bien de ton caractère influençable que je me suis toujours défié. C'est pour cela que j'ai décidé de ne jamais t'accorder de gouvernement, en sachant que tu trouverais d'autres sources de revenus et d'occupation.

Je suis fier de toi, des accords commerciaux que tu as passé, je sais me reposer sur toi lorsqu'il s'agit d'échanges commerciaux, d'accords diplomatiques, tu es si talentueux en le domaine. Et je te trouve injuste de m'accuser de ne jamais t'avoir accordé ce type de confiance puisque c'est sur toi que je me repose pour parlementer avec les diplomates de nombreux pays. En vérité, et cela me déplait de te le dire car je sais combien cela est injuste, je ne peux te laisser converser avec les diplomates anglais encore moins le roi Charles II car ils te détestent.

Henriette comme tout épouse se plaint de son mari à son frère, seulement celui-ci est roi d'Angleterre. Je ne connais le contenu de leurs échanges mais je sais qu'il ne t'aime pas et je doute même qu'il accepterait que tu pénètres son territoire encore moins que tu entres à Londres et qu'il t'y reçoive. Je ne peux faire appel à toi petit frère car l'Angleterre toute entière est liguée contre toi. Cela me désole tout autant que toi, mais je n'y peux rien. Henriette en revanche est sa petite sœur chérie, il l'écoute, et c'est pour cela que je l'ai choisi elle.

Il est vrai que j'ai mille et un diplomate mais aucun n'ont les charmes d'Henriette, aucun ne veulent me plaire comme ta femme. Ne prends pas mal mes mots, mais elle se sent seule, elle se sent persécutée, malheureuse en son mariage, et je n'ai pas été très tendre avec elle ces derniers mois, la forçant à retourner auprès de toi, n'écoutant ses complaintes, lui disant qu'il en va ainsi de tous les mariages. Elle est tout aussi malheureuse que tu l'es de votre mariage et de l'état déplorable dans lequel il se trouve. J'en suis désolé car j'ai décidé de vous marier, je n'aurais jamais pensé que les choses tourneraient ainsi.

Quoi qu'il en soit, je pense que lui donner cette responsabilité lui fera oublier ses malheurs, la rendra heureuse, et peut-être qu'elle ramènera un peu de ce bonheur auprès de toi. J'en ai le secret espoir.

J'accepte donc ton marché, je ferais revenir le Chevalier si tu laisses partir Henriette. Je me dois d'attendre un certain délai, mais il ne sera de plusieurs années, seulement de plusieurs mois. Le temps que l'accord soit conclu. Je te promet de te le rendre quand nous partirons en campagne, d'autant que, ce serait idiot de se priver d'un si bon combattant.

12 avril 1670, Versailles

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