Lettre XCII, du Roi à Monsieur.

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Je suis bien aise mon frère que tu sois fin prêt pour le retour du Chevalier, car de mon côté je m'assure qu'il te reviendra avant le printemps. Vous aurez du temps pour vous retrouver avant que nous ne partions en campagne. Vous avez été longtemps séparés et j'en ai ma part de responsabilité. Tu en connais déjà les raisons et je te remercie de ta compréhension, plus encore de n'avoir fait de scandale.

Je sais que tu en as tiré de toutes ces épreuves les conclusions qui s'imposaient, que tu veilleras à ce que pareille chose n'arrive plus. Le Chevalier a également appris la leçon, de cela je n'en doute point. Moi aussi j'espère que ce retour se fera sans heurt. Vous avez mérité tous deux d'être heureux, d'autant plus que vous avez ma bénédiction et celle de Liselotte.

Alors, soyez heureux, c'est votre Roi qui vous en donne l'ordre. Profitez de chaque instant ensemble, car bientôt nous partirons en campagne. Profite également de ta femme autant que tu le peux. Liselotte est admirable, et tu as de la chance d'avoir cette femme pour épouse. Je suis fier qu'elle fasse partie de notre famille !

Concernant la campagne, j'avais effectivement prévu que le Chevalier soit à tes côtés, j'ose espérer que vous resterez concentrés sur l'ennemi lors des assauts et attendrez le soir et le repos pour vous retrouver. Mais à dire vrai, je veux que le Chevalier veille également sur toi. Je te sais doué au combat et je vais avoir besoin pour la stratégie que je souhaite que nous suivions en Hollande du pré carré, mais je ne veux perdre mon frère sur le champ de bataille. Le Chevalier connaît déjà sa mission, j'espère que tu le laisseras l'accomplir correctement ! Je sais qu'il prendrait un boulet de canon pour toi.

À présent que le Chevalier est de retour, il serait peut-être bon que tu renvoies Châtillon. Je ne puis te dire quoi faire dans ta vie intime, mais je doute que la Lorraine prenne bien de voir ton lit occupé et sa place prise par un autre Chevalier. Tu le connais, il est fier et s'il n'est jaloux, il prendra ombrage de la présence de cet homme à tes côtés. Je ne voudrais pas que vos retrouvailles soient gâchées à cause de cet homme dont je me suis toujours méfié. Renvoie-le chez lui, tu mérites mieux, cher frère et je doute que tu veuilles te retrouver à nouveau entre des intrigues.

Ton épouse est, d'ailleurs, d'accord avec moi. Préserve la paix en ta maison, et fais le ménage afin d'accueillir comme il se doit l'homme que tu m'as tant supplié de te rendre et que tu n'as jamais cessé d'aimer. J'en veux pour preuve toutes les lettres que tu m'as envoyées depuis son arrestation. Ton frère qui t'aime et songe à toi.

25 février 1672, Paris

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