Lettre XXII, du Roi à Monsieur.

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Je t'envoie cette lettre afin de te confirmer les détails du voyage anglais. Tu as souhaité accompagner Henriette jusqu'en Angleterre, mais, comme je te l'ai déjà dit, son frère refuse que tu entres sur le sol anglais, tu ne pourras donc l'accompagner sur le navire l'y emportant. Tu peux toutefois l'accompagner jusqu'à Dunkerque et ensuite l'attendre à Calais. Ce n'est pas l'idéal, mais c'est tout ce que j'ai pu obtenir de Charles II.

Ce dernier n'a pas la meilleure opinion de toi, la faute en revient autant à toi qu'à ton épouse. Je ne t'en fais pas le reproche, je n'ai pas eu la meilleure des relations avec mon beau-frère et il est naturel que les frères et sœurs soient proches, comme nous le sommes.

Je sais que tu penses que je te préfère Henriette, que je l'écoute plus que je ne t'écoute, que je la comble plus, mais rien n'est plus faux. Je l'écoute parce qu'il le faut, c'est une princesse, et son frère est un précieux allié que je dois remporter. Tu comprends cela n'est-ce pas ? Je ne t'ai jamais ravi ton épouse, pas plus que préféré à toi, mais j'ai ma part de responsabilité malgré tout et je m'en excuse profondément.

Je n'ai pas saisi à quel point vous ne vous supportiez, je n'ai compris à quel point vous vous faisiez du mal. Plus encore, je n'ai pas réalisé que prêter l'oreille à l'un puis l'autre ne faisait qu'aggraver la discorde entre vous deux. Je n'ai pas été un bon frère ni un bon beau-frère pour elle. Je me désole de cela. Car j'aurais aimé être un meilleur soutien, un meilleur confident et ami pour vous deux. J'aurais vraiment aimé que vous soyez heureux et j'espère que tu comprends cela, que tu l'entends mon frère.

C'est peut-être trop tard. Ce voyage ne peut être une quelconque réparation entre vous deux. J'avais le secret espoir, qu'une fois le Chevalier au loin, vous deux en Angleterre remportant ce traité si cher à mon cœur et si précieux à la France, vous pourriez vous réconcilier, trouver un commun but, mais tout est allé de travers. Tu l'as cru responsable du départ du Chevalier, Charles II a refusé que tu viennes en Angleterre avec Henriette, et vous vous êtes déchirés sans que je ne puisse rien y faire.

Au contraire, chacun de mes mots avait l'air d'accentuer la discorde. Alors je me suis tue. J'ai grondé au lieu de cajoler. Je vous ai puni tous les deux au lieu de vous rassurer. Et je m'en excuse, sincèrement. Je ne prétends pas être le meilleur de frère, le meilleur des amis encore moins des confidents. J'y ai échoué en bien des façons. Je te demande pardon, mon féfé.

J'ai l'âme en peine de vous savoir déchiré ainsi. Je me désole d'en être en partie la cause. Je ne sais plus quoi faire pour vous rapprocher et me demande si cela est encore même seulement possible. Tu sais que je n'aime m'avouer vaincu, mais j'ai tout tenté et je dois me rendre à l'évidence, il n'y a rien de plus à faire. Si ce n'est espérer que tout ceci nous serve de leçon, que ces quelques jours séparés l'un de l'autre vous fassent à tous les deux le plus grand bien, que le manque vous fasse réaliser que vous ne vous haïssez point.

C'est ma plus grande espérance.

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