Lettre LXVIII, du Roi à Monsieur.

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Mon cher Philippe,

Je suis excessivement déçu de cette confrontation, comme tu l'appelles, avec notre cousine. Je m'attendais à ce qu'elle fasse preuve de raison, particulièrement en se retrouvant face à nous, mais j'ai le sentiment que rien de ce que nous pouvions dire ou faire n'avait la moindre importance. Je n'ai jamais rencontré quelqu'un d'aussi buté qu'Anne-Marie-Louise ! C'est à peine croyable !

Je comprends ta fureur. Qu'elle ait pu nous répondre ainsi, à tous deux, oubliant son rang, le nôtre et ses obligations, bafouant tout ce que nous tentons de construire ici, à Versailles, cela me ronge les sangs tout autant qu'à toi. Épouser cet idiot de Lauzun quand on est la Grande Cousine, c'est se moquer de salir sa lignée, sa réputation et celle de toute la France !

Et cependant, nous n'y pouvons rien. Je ne vais tout de même pas l'envoyer à la Bastille, elle est notre cousine ! Quant à Lauzun, ton idée de le jeter dans le canal est séduisante, mais il n'y a pas encore d'eau dedans et il risquerait de se rompre la nuque. Je me doute bien que nous ne devrions nous en soucier, mais gardons-nous un instant de la colère qui nous ronge.

Je te connais bien, tu tonnes, mais tu retrouveras bien vite ta raison, je me méfie plus de moi-même, car je dois le reconnaître, je suis rancunier. Je l'ai été envers le Chevalier. Je lui en ai voulu d'avoir trahi mes secrets, de m'avoir menti en me disant qu'il était mon plus fidèle serviteur, de nous avoir utilisés, toi et moi. Car c'est l'impression qu'il m'est resté de tout cela. Peut-être que je me trompe.

Mais après ce qu'il vient de se passer, je réalise quelque chose. Ce n'est pas parce que j'ai sacrifié mon amour pour Marie de Mancini et que je ne peux vivre pleinement celui que je ressens pour Athénaïs que je dois vous contraindre à la même restriction. Que notre cousine aime Lauzun, qu'elle l'épouse si ça la chante ! Je n'aurais comme seule exigence qu'elle modifie son testament en faveur de ta fille ainée. Bien sûr, il lui faudra tenir Lauzun, car à la prochaine incartade je ne pourrais lui éviter la Bastille.

Et pour ce qui est de mes promesses envers toi, la mienne n'a point changé. Le Chevalier te reviendra, après ta période de deuil achevée, lors du lancement de la campagne. Puisque qu'il n'y aura de mariage entre toi et notre cousine, je vais me concentrer sur la guerre à venir, et peut-être qu'il te faudra épouser une princesse qui nous offrira une alliance prospère capable de nous protéger de nos ennemis.

Philippe, tu proposais ton aide pour la politique, les négociations et les ambassades, pourquoi ne me partagerais-tu pas tes idées au sujet ta future épouse ? Tu sais ce dont nous avons besoin, et je crois que tu attends cette campagne en Hollande avec plus d'impatience que moi, alors, tu dois bien avoir quelques candidates en tête ? Je les attends ainsi que tes stratégies pour le champ de bataille, évidemment !

5 décembre 1670, Louvre

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