Chapitre 4

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Nous entrâmes dans le magasin, la climatisation me fit du bien, il fallait dire qu'il faisait encore bien chaud pour un début septembre et je ne m'attendais pas à marcher autant. Nous fîmes le tour du rayon sandwicherie, puis celui des salades préparées, je me décidai pour une salade composée aux dés de jambon et emmental. Je voyais du coin de l'œil qu'Élodie regardait elle aussi les articles mais ne se décidait pas.

« Tu veux quoi Élodie ?

- Ah, heu, rien. J'ai pas assez de sous.

- Vas-y prends, je t'invite. »

Elle me regarda d'un air étonné, ne sachant pas si je plaisantais ou pas, ce qui me fit exploser de rire.

« Je rigole pas, repris-je, enfin si mais je suis sérieuse, prends un truc à manger toi aussi, tu vas pas me regarder.

- D'accord... Mais je ne sais pas quoi prendre... »

Elle eut alors le regard d'une enfant dans le rayon sucrerie et je trouvais qu'elle fit soudainement étonnement son âge malgré son apparence. Je lui pris une salade aussi et me dirigeais vers les yaourts.

« Un bon repas se termine par un bon yaourt, fanfaronnai-je, à moins que tu sois de la team fromage...

- Non un yaourt ça me va. En fait, je suis plus pour la team chocolat. »

Je fus heureuse de la voir retrouver le sourire après l'histoire de sa sœur et de son souci d'argent. Nous choisîmes un lot de crème dessert au chocolat, puis allâmes au rayon des jus de fruits. Tombant d'accord sur le cola, je lui fis remarquer que si nous prenions une grande bouteille pour deux, il allait nous falloir des gobelets.

« Pourquoi faire ? On partage la bouteille. Ou alors t'aime pas boire à la bouteille ?

- Heu non, ça ne me dérange pas.

- Alors dépense pas tout ton salaire dans un repas. »

Cette remarque venant d'une gamine de onze ans me fit rire une nouvelle fois et les clients du petit Carrefour durent se dire qu'il y avait deux folles dans le magasin. Lorsque nous sortîmes je fus immédiatement frappée par la chaleur, le temps était agréable, nous avions le temps, je proposai alors à Élodie de manger dans le petit parc que j'avais aperçu à l'aller, elle fut plus qu'enthousiaste. Quand nous y arrivâmes nous eûmes la chance d'y trouver des tables de pique-nique libres. On s'installa autour de l'une d'elle, enfin c'était ce que j'avais prévue mais la grande blonde vint s'asseoir à côté de moi au lieu d'occuper le banc en face.

« C'est la première fois que je mange avec une prof, dit-elle toute joyeuse. Je suis juste un peu gênée que t'ai dû tout payer. Je demanderais à maman de quoi te rembourser.

- Ce n'est pas la peine. Et pour moi, ce jour est rempli de première fois.

- Comment ça ?

- C'est ma première rentrée, j'ai eu ma première classe, la première fois que je transgresse le règlement et c'est aussi la première fois que je mange avec une élève.

- Tu as fait quelque chose qui était contre les règles du collège ? »

Elle me regardait l'œil rond, ne croyant pas qu'un professeur puisse aller contre les règles, je lui expliquais alors l'épisode de la cigarette fumée en cachette et elle explosa de rire.

« Je dirais pas que fumer c'est bien, me dit-elle, mais grâce à ça, j'ai pu voir que tu étais encore dans le collège et venir te voir. Au début, les filles n'étaient pas trop partantes mais je leur ai dit que tu étais une prof sympa et que même si elles ne venaient pas, moi j'allais te voir alors elles ont suivi.

- Et j'ai été sympa ?

- Ouais trop ! Mais ce n'est pas bon pour un prof d'être trop sympa tu sais ?

- Je me doute un peu. La prochaine fois je serais plus sévère et vous dirais d'aller ailleurs.

- Il n'y a qu'avec moi que tu dois être trop sympa.

- Non mais dites donc mademoiselle Soline, on se lâche à ce que je vois... »

Elle rit avant de boire une gorgée de soda puis me tendis la bouteille. Je fus un moment hésitante, puis repensais aux paroles pleines de sagesse de mon père : « je n'ai pas la gale alors bois ou meurs de soif c'est toi qui vois ma fille. » Que de nostalgie puis finis par lui prendre la bouteille avant d'en boire un peu à mon tour. Mon téléphone se mit à sonner, me signalant l'arrivée d'un texto.

« C'est qui ?

- T'es bien curieuse. Je ne le dirais pas. »

Elle ne se gêna pas pour regarder par-dessus mon épaule.

« Ah c'est ton mec... »

Je me souvins du cours que j'eus durant ma formation de professeur, un psychologue est venu nous faire un cours sur les intonations de la voix, afin de cibler les élèves dépressifs ou en difficultés, ou encore harcelés, et je reconnus clairement la tristesse dans celle d'Élodie. Je me demandais alors bien pourquoi. Je répondis à ma petite-amie du moment rapidement et remis le téléphone dans mon sac.

« Alors, repris-je, tu ne m'as pas dit, c'est quoi cette demande de traitement de faveur ?

- Non c'est bon.

- Tu boudes ? Ha là là quelle petite fille ! »

Elle ne répondit pas et son âge m'exposa dans la figure. Voyait-elle en moi une figure maternelle ? Était-elle jalouse du fait que j'ai ''un mec'' et donc moins temps pour elle ? Ou encore la perte du monopole de mon attention ? J'étais tiraillée de questions intérieures lorsqu'elle se mit à rire.

« Ce n'est pas souvent qu'on me traite de ''petite'' fille. Et non je ne boude pas, j'étais simplement surprise que tu ais un petit-ami.

- C'est une fille en fait.

- Ah. Elle est gentille au moins ?

- Oui, très. »

Je n'avais aucune envie de rentrer dans les détails de ma vie amoureuse avec une élève que je ne connaissais que depuis quelques heures mais Julie était l'inverse même de la gentillesse et notre relation arrivait à son terme, mais ça je ne le savais pas encore.


AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant