Chapitre 45

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Je n'eus pas besoin du réveil pour me lever en ce lundi matin. De mémoire je me rappelais que je devais commencer la journée avec la classe la plus turbulente possible, et rien que ça ne me donnait pas envie d'y aller. Je bus deux cafés, fumai le même nombre de cigarettes, passai par la salle de bain avant de partir chercher Élodie. Je jetai un œil sur l'horloge de mon micro-onde dans la cuisine et vis que j'avais encore un peu de temps, je décidais de me refaire un café et une clope avant de partir définitivement. Je mettais mes clés sur la porte quand je me rendis compte qu'une fois encore j'allais partir sans mon sac ni mon repas. Je pris rapidement pensant que finalement j'allais finir par être en retard alors je pressais un peu le pas une fois dans ma voiture. Comme chaque jour, Élodie me proposa d'entrer prendre un café, et comme ce qui allait aussi devenir quotidien, j'acceptais. Elle m'embrassa dès que sa mère eut tourné le dos et me demanda si j'avais bien dormi, je lui dis que oui et elle semblait déçue par cette réponse. Elle me dit qu'elle n'avait pas trop bien dormi car je lui manquais, je la trouvais mignonne et cette romance d'adolescent commençait aussi à me plaire, moi qui n'en avais jamais connu. Nous partîmes dès que j'eus fini mon café, nous fîmes un point rapide sur notre journée durant le trajet, pas besoin d'aller au supermarché aujourd'hui, j'avais prévu de quoi la veille, elle allait manger à la cantine, je lui répétai de regarder le menu, si un jour il ne lui convenait pas, qu'elle me prévienne à l'avance. Nous nous séparâmes sur le parking et je rejoignis ma salle de cours. La journée commença, et à la pause, les filles revinrent me voir, comme d'habitude. Elles furent un peu déçues de ne pas avoir de friandises, j'avais complètement oublier ce détail, finalement je pensais que j'allais devoir aller au supermarché quand même aujourd'hui. Après la pause, j'avais une heure de libre, j'en profitais pour aller au magasin, gagnant ainsi du temps sur le midi au cas où les filles reviendraient tôt. Ayant du temps à perdre, je fis le tour des rayons sandwichs et bonbons puis celui des boissons aussi. Je me laissais tenter par pas mal de choses finalement et passée la caisse mon cabas était presque plein. Je pensais à mon compte bancaire vu la veille et me dis qu'il allait falloir passer à la banque faire un dépôt en espèce pour l'alimenter un peu. Revenue dans ma salle, je regardais mon emploi du temps et vis que j'avais deux heures de libre le lendemain, de quoi passer à l'agence pour régler mon petit soucis financier. Je me dis aussi qu'il fallait que j'arrête de dépenser sans compter, je n'étais heureusement pas dans le rouge mais si je continuais ainsi, ça n'allait pas tarder. En plus j'avais encore une table et des chaises à acheter et un week-end de fête chez moi à préparer, alors que la dernière heure de cours de la matinée commençait, je me sentais épuisée. J'avais la classe de sixième dont j'étais responsable pour une heure de vie de classe et j'appris alors qu'une heure peut parfois être longue, très longue quand il n'y a rien à dire. Quand ce calvaire prit fin, je posais la tête sur mon bureau, ayant terriblement envie d'une cigarette. Je mangeais en vitesse ce que j'avais acheté au magasin et sortis discrètement en laissant la porte ouverte. Je me cachais une nouvelle fois derrière le hangar à vélo et alluma ma clope. Elle me fit un bien fou.

« Oh, il y a déjà quelqu'un, ce n'est plus mon coin secret. »

Une grande femme brune se tenait devant moi, je planquais par réflexe la cigarette derrière mon dos, consciente que ça ne cachait pas la fumée et qu'elle l'avait de toutes façons déjà vue.

« Ne vous en faites pas, dit-elle en souriant, je viens en griller une aussi ici de temps en temps. Je suis Virginie Penel, seule et unique prof de sciences.

- Ravie, je suis Claire Dumur, professeure de Français.

- Ah, vous remplacez la vieille peau, je veux dire madame Dedon.

- La vieille peau ?

- C'était une prof désagréable aussi bien avec ses élèves qu'avec ses collègues. Elle eut même plusieurs accusations de violence physique durant son séjour ici.

- Et on l'a laissé enseigner ?

- Disons sans preuves concrètes, la direction ne pouvait pas trop rien faire. On a tous respiré quand elle nous a dit qu'elle partait en retraite. Elle a bien fait cinq ans de plus que l'âge requis.

- Une professeure passionnée ?

- Une vieille bique têtue et sans cœur plutôt. Enfin, je ne vais pas juger alors que je transgresse ouvertement le règlement.

- C'est vrai qu'il pourrait y avoir un coin pour les professeurs qui fument.

- Ceux qui fument ne restent pas ici le midi, ils s'empressent de monter dans leurs voitures et s'éloignent pour en griller une au plus vite.

- Ma foi, je peux comprendre. Moi j'ai fini la mienne, je rentre.

- Des cours à préparer ?

- Non, je dirige un petit club de lecture, on se réunis quand on peut.

- Ah d'accord, une bonne prof ça change. À plus miss Dumur.

- Claire. À bientôt. »

Les filles étaient déjà dans la salle lorsque je revins, Élodie s'approcha de moi, un peu trop vu que l'on était au collège, et me fit remarquer que je sentais la fumée. Je lui dis de se taire et distribuai à tout le monde des friandises achetées plus tôt. Elles furent ravies et Sarah me demanda si elle pouvait, elle aussi en ramener, elle me les laisserait le matin pour qu'elles soient dans la salle.

« Si je vais en classe avec un paquet de bonbons, je vais me faire taxer par tout le monde, dit-elle, et pis c'est pas toujours à vous de nous acheter des trucs pour manger. »

Je saluais l'intention et lui dis qu'il n'y avait pas de soucis. Un gobelet de café était posé sur mon bureau, je demandais à Élodie si il fallait que je le lui rembourse, elle refusa. Marine nous parla ensuite du livre que je leur avais demandé de lire, j'étais contente qu'elles prennent ça au sérieux. La pause du midi finie par s'achever. J'avais une classe de cinquièmes durant les deux premières heures, je leur avais préparé la veille un texte original sur lequel nous travaillions durant deux heures et ils eurent un devoir de rédaction à la fin. Les filles revinrent naturellement à la pause de l'après-midi, il me ne me restait plus qu'une heure de cours à donner. Faute de leur professeur de dessin absent, Élodie et ses camarades finissaient une heure plus tôt elles aussi. Elles mangèrent leur barre chocolatée et elles partirent toutes sauf ma copine qui resta jusqu'à la sonnerie.

« C'est dur de rester sage au collège, dit-elle faiblement près de moi. Surtout quand on est seules comme ça.

- Je sais mais faut pourtant bien te retenir. Marine nous a déjà ouvertement grillées, Sarah doit se douter de quelque chose, je n'ai pas envie que Noa ait des doutes aussi.

- Sarah est bête donc on a pas en s'en faire. Marine ne dira rien, elle me l'a encore dit ce matin. Je sais pas ce que Noa en penserait par contre.

- J'ai pas spécialement envie de le découvrir non plus. »

J'eus ensuite ma classe d'élèves zombies, celle de troisième une, qui ne soufflaient mot que lorsque je leur posais une question directe et l'heure passa. Ils étaient calmes mais avançaient avec un rythme de folie, en trois cours on avait couvert l'équivalent de deux semaines avec une classe normale, c'était vraiment des bêtes de travail. 

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant