Chapitre 58

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Adeline me prévint qu'il y en avait aussi pour chez elle, les seules choses que nous aurions à descendre étaient les deux caisses de vin et la bouteille de whisky. Je lui rappelais qu'elle ne devait pas rentrée ivre et qu'elle supportait assez mal le vin.

« Je sais, dit-elle en soupirant, je sais maman.

- Je suis pas ta mère sinon...

- Tu m'aurais noyée à la naissance, finit-elle en riant. Au fait tu as cuisiné des hamburgers hier ?

- Oui, comment tu le sais ?

- Bah Élo, t'es con parfois. J'ai envie de goûter, ça te dérange pas d'en refaire ?

- Nan, moi ça me va aussi, c'est pas long ni dur à faire.

- Yeah ! Direction Auchan c'est moi qui régale et toi qui cuisines.

- Il me reste encore des sauces donc ça ira, il faut juste le pain, les steaks, le fromage, tomates et salade. J'ai même encore des cornichons.

- Tu as mis de la tomate dans celui d' Élo ?

- Oui et elle l'a mangée. En râlant, certes mais elle l'a mangée sa tomate.

- Quel miracle ! Oh des frites aussi, si t'en as pas.

- Ouais bien vu. »

La visite de l'hypermarché se passa sans problème et à la caisse je n'eus pas le temps de préparer la carte bleue qu'Adeline payait déjà sans contact. Nous sortîmes pour rejoindre la maison, durant le trajet elle se fit calme, ce qui m'étonna, elle était plutôt du genre à pester même quand elle avait tort. Elle fit le tour de la même façon que sa fille, visitant chaque pièce. Elle commença par la chambre, s'assit sur le grand lit en bois neuf, le plastique du matelas grinça légèrement, elle le qualifia de ''pas mal'' avant de se diriger vers la salle de bain, en ouvrant la porte blanche, elle remarqua immédiatement les brosses à dents et me le fit remarquer là aussi. Elle fit par revenir dans la salle alors que je rangeais l'alcool qu'elle avait ramené elle se mit autour de la table neuve elle aussi et me réclama un verre vide ou deux si je voulais boire du whisky. Je ne me voyais pas commencer à boire maintenant surtout que je devais reprendre le volant par la suite. J'optai donc pour un café, le mit à couler tout en donnant à mon amie ce qu'elle voulait. Elle me fit signe de m'asseoir avec elle et porta son index et son majeur vers ses lèvres me signalant qu'elle voulait une cigarette, je lui montrai la fenêtre du doigt et lui balançai le paquet qui traînait sur le comptoir de la cuisine. Elle soupira mais n'y alla et l'ouvrit avant d'allumer sa clope.

« Le fait que ça soit si petit doit plaire à Élo, dit-elle en soufflant sa fumée dehors. Je ne la voyais pas vivre dans un si petit truc.

- Désolée c'est tout ce que mon salaire me permet.

- Oh, non je ne disais pas ça pour ça. Élo a murit d'une façon extraordinaire depuis qu'elle t'as rencontrée. Avant ça, elle nous demandais toujours quand nous t'inviterions.

- Depuis quand ?

- Un an et demi. Tu te souviens du dernier noël ?

- Oui ? Celui où je jouais la mère noël de façon suggestive ?

- Ouais celui où t'étais bonne. Bah depuis celui-là elle arrêtes pas de nous casser les couilles en disant des trucs genre tu l'invites quand ton amie, j'aimerai la voir, tu lui as dit pour mon anniv, c'est quand elle vient ? C'était vraiment chiant.

- Heureusement qu'on s'est pas croisées à l'époque... Vous m'auriez tuée toutes les deux.

- Ouais je pense. Enfin, non, Élo t'aurait sauvée.

- Ahah ! Merci à ma chérie alors !

- Ouais tu peux, dit Adeline en regagnant la table face à moi. Tu sais qu'on est en train de déposer une demande d'adoption pour elle ?

- Vite fait ouais.

- Quand Ludi l'a ramenée, elle était couverte de bleus des épaules au chevilles. Elle était passée à tabac tous les jours au foyer et la vieille qui gère le truc fermait les yeux.

- C'est pas un cas isolé je pense mais c'est cool que vous l'avez aidée.

- Elle a deux grandes sœurs. L'une d'elle était enceinte, de leur père.

- Pardon ?

- T'as bien compris. Leur père a mit en cloque une gamine de quatorze ans et faisait des attouchements sur celle de neuf.

- Quel âge avait Élo ?

- Trois, quatre ans quand les services publiques l'ont ramassée.

- Oh mon Dieu !

- Si Il existe Il avait zappé cette petite. Entre ça et nous, elle est allée dans une ''famille d'accueil'' alcoolique.

- Ça existe ça ?

- Les contrôles sont stricts mais oui ça existe apparemment. La raison de ses passages à tabac répétés c'est que c'est Élo qui a dénoncé, involontairement, la dite famille. La fille la plus âgée avait de bonnes amies au foyer et elles ont mené la vie dure à Élo. Brimades, coups, fausses accusations, j'en passe. Elle vivait vraiment l'enfer là-bas cette gamine.

- Je ne peux même pas imaginer.

- Moi non plus et pourtant j'ai vu les bleus de mes propres yeux. J'ai beau me dire qu'elle est peut-être pas la seule à avoir connu ça, quand je la vois sourire maintenant comme elle le fait avec toi, je suis fière que Ludi ait eu la présence d'esprit de prendre cette petite. »

Durant cette conversation, Adeline avait bu deux verres, lorsqu'elle me vit me lever pour me refaire une tasse de café, elle poussa la bouteille au bout de la table et me demanda si elle pouvait en avoir une tasse, à voir mon amie allait respecter ses engagements. Je lui servis donc sa tasse de café et partis m'allumer une cigarette à le fenêtre tout en réfléchissant à ce qu'elle m'avait dit. Je comprenais aisément qu'il était compliqué pour Élodie de parler de tout ça, cette petite en avait vue de toute les couleurs.

« Enfin, fit par reprendre Adeline en soufflant sur sa tasse, tout ça n'explique pas qu'elle ait grandit en flèche comme ça.

- Compte pas sur moi pour te pondre un essai sur la complétude causale, je suis pas Descartes.

- Ahah, même si tu le faisais je m'endormirai en deux secondes.

- Je me dis juste que la surdétermination de Freud existe.

- La sur quoi ? Nan laisse tomber, je vais pas comprendre... Tu me parles de Freud, Descartes, je vais nager à mort comme en fac.

- C'est vrai que tu ramais pas mal. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai dû t'aider ahah ! Mais bon je veux juste dire que son désir de grandir, mentalement parlant, peut s'être traduit par une croissance physique hors-norme... Ça se tient.

- Tu veux dire qu'à vouloir être mature, elle a grandi de ouf ?

- C'est résumé de façon très brève. Et probablement erroné.

- Alors tu veux dire quoi putain ?

- Demande à Freud, moi je ne suis pas assez calée en psycho.

- Ahah ! Ressers moi un café au lieu de faire des hypothèses dont t'es même pas certaine qu'elles soient justes. »

Je lui versais donc une autre tasse de café et décidais pour ma part de me mettre au thé. 

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant