Chapitre 47

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La vue de ma maison d'enfance faisait à chaque fois remonter en moi des vagues de souvenirs emplis de nostalgie, Élodie et moi descendîmes de voiture et je poussais la petite barrière de fer forgé pour entrer dans la propriété. La pelouse qui entourait la maison était toujours aussi grasse et verdoyante malgré la chaleur que nous eûmes cet été, je reconnus là toute l'attention que lui portait mon père. Depuis que je vivais seule, j'avais pris l'habitude de frapper quand je venais leur rendre visite, cette fois-ci ne dérogea pas à cette règle. Un grand monsieur au traits durs et aux cheveux gris vint nous ouvrir, Élodie recula d'un pas en le voyant. Il nous jeta son regard glacial habituel puis me serra dans ses bras.

« Content de voir que tu vas bien, dit-il. Et...

- Oh, c'est Élodie, la fille d'Adeline et aussi une brillante élève que j'ai en cours.

- Et ça te dérange pas de trinqueballer tes élèves ? Éthiquement parlant.

- Non, j'ai l'accord de sa mère et elle m'aide aussi beaucoup. C'est important dans mon travail de savoir restée proche de ses élèves.

- Entrez. »

Le terme chaleur humaine ne faisait pas parti de son vocabulaire à première vue, il pouvait même se montrer très froid mais lorsqu'on le connaissait, on savait que c'était sa façon d'être. Nous longeâmes le couloir, je pouvais sentir la main d'Élodie agripper mon T-shirt, nous entrâmes ensuite au salon où ma mère attendait.

« Holà, mais qui est cette charmante jeune fille ?

- C'est la fille d'Adeline maman.

- Adeline ? Tu veux dire ton amie toute folle de la fac ?

- Oui, celle-là. »

Élodie explosa de rire en entendant sa mère se faire appelée la folle, je ne sus trop comment réagir, mais j'étais contente qu'elle se détende un peu.

« Papa, dit ma mère à l'intention de mon père, donnes un coca à la petite. Ma chérie, viens avec moi, je vais te montrer ce que j'ai trouvé dans l'armoire à mamie.

- Je te suis maman. »

Nous quittâmes donc la pièce ma mère et moi, laissant Élodie avec mon père, j'espérais que tout se passerait bien entre eux. Mon père n'était pas du genre méchant mais froid au premier abord. Quant à moi me faire appelée ''ma chérie'' par ma mère me fit encore revenir des souvenirs. Elle me conduisit à l'étage, en montant lentement les escaliers, elle me parla de mon petit frère et de ma petite sœur, tous deux allaient bien. Elle aborda le sujet de ma grande sœur et observa ma réaction, je m'en fichais un peu mais avoir des ses nouvelles, savoir qu'elle allait bien me faisait toujours plaisir.

« Laisse-moi deviner, dis-je, elle a dû tomber enceinte au moins quatre fois cette année non ?

- Ne sois pas méchante Claire, elle veut vraiment un bébé avec son mari.

- Elle fait ce qu'elle veut mais qu'elle ne s'invente pas des histoire à chaque fois. La dernière fois, elle avait juste une gastro, elle nous a fait tout un fromage sur sa grossesse.

- Ahah ! C'est vrai qu'elle s'enflamme vite.

- Ouais un peu trop même. »

Elle rit alors que nous étions arrivées devant un long meuble en bois massif datant du début du siècle dernier, une vraie antiquité que mes sœurs se disputaient à chaque fois que le sujet de l'héritage venait dans leur conversation. Ma mère prit un énorme sac plastique posé à côté.

« Je t'ai mis ce que j'ai trouvé en regardant en vitesse. Il y a des nappes, comme tu voulais et j'ai aussi trouvé des draps qui prenait la poussière là-dedans, pour un lit de deux personnes, je pense que ça devrait te servir un jour.

- En gros tu savais pas quoi en faire, tu t'en es débarrassés.

- Tu seras bien contente de les avoir quand tu emménageras avec ta copine.

- C'est pas demain la veille.

- Tu lui gardes déjà sa fille, ça prouve que ça marche entre vous. »

Il y avait là un immense malentendu. Pourtant, je ne voyais pas comment expliquer à ma mère que la copine en question n'était pas la mère de la fille qui m'accompagnait mais la fille elle-même.

« Maman, je ne sors pas avec Adeline.

- Ah bon ? Enfin, j'espère que tu finiras par trouver quelqu'un de bien. Oh, j'ai aussi mis les affaires qu'il te restait ici et il y a un carton au garage, ton père te le donnera.

- Et il y a quoi dans ce carton ?

- Principalement des affaires de cuisine, un robot cuisinier neuf qu'on t'avais acheté, de belles assiettes, tout un service en fait, une cafetière avec les chiffres, et des autres bricoles.

- J'ai vraiment l'impression d'être votre Emmaüs parfois.

- Claire ! Tout ce que je te donne est soit neuf, soit abandonné quand tu es partie, donc c'est à toi !

- D'accord, d'accord, merci maman.

- Tu restes manger hein ? J'ai déjà préparé. »

Nous y étions, l'attaque surprise de ma mère, ''j'ai déjà préparé'' sous-entendu tu ne peux pas refuser sinon ça va gâcher. Heureusement cette attaque surprise n'avait pour moi plus rien de surprenant.

« Ouais, bien-sûr, elle est toujours délicieuse ta cuisine m'man. »

Elle sourit et se mit à redescendre lentement. J'allais ranger le sac qui était assez lourd dans ma voiture et en profitais pour fumer une cigarette avant de rentrer. Mon père me rejoint les bras chargés d'un énorme carton qu'il avait du mal à porter. Je l'aidais en le prenant d'un côté puis il le posa contre mon pare-chocs le temps que j'abaisse une nouvelle fois le siège arrière. Une fois calé dans la voiture, je fermai le coffre et lui proposai une cigarette qu'il accepta.

« Elle est gentille cette petite, dit-il en regardant le soleil décliner au loin.

- Ouais, et c'est une très bonne élève aussi.

- Tu as assez d'argent ? Tu as fait des achats tu m'as dit au téléphone.

- Oui, ça devrait aller. Je vais un peu me serrer la ceinture, ne t'en fais pas.

- Tiens. Ne dis rien à personne. »

Il me tendit une enveloppe fermée, je soupirai mais la pris quand-même, à vrai dire ce petit cadeau tombait bien. Nous retournâmes ensuite à l'intérieur, Élodie aidait ma mère à dresser la table, mon père, sans me demander mon avis me servit un verre de Ricard, une des raisons qui faisait que je n'aimais pas trop revenir ici, en apéritif, c'est Ricard ou rien et je n'étais pas fan de la boisson anisée. La jeune blonde se fit curieuse, je lui donnai le verre à sentir, elle le porta à son nez puis à sa bouche, elle en but une petite gorgée, grimaça et en la voyant mon père explosa de rire.

« Ahah ! C'est une boisson d'hommes ça, jeune fille !

- Heu, je suis une fille papa...

- Mais c'est bon monsieur.

- Ravi de l'entendre gamine. »

Mon père semblait vraiment apprécier Élodie, l'apprécierait-il tout autant s'il savait la vérité ?

« Papa ! Ne fais pas boire les enfants !

- Oh, ça va maman, une goutte ça va pas la tuer. »

Ils avaient eut la même petite dispute quand j'eus droit à mon premier verre, encore un souvenir qui refaisait surface. 

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant