Le réveil me fit sursauter le lendemain. Comme tous les jours que les dieux font, je pris ma douche, deux cafés et des tartines de beurre, me brossait les dents, remis mon ordinateur et son chargeur dans mon sac puis me mis en route vers le collège. Sur le chemin je me dis que c'était dommage qu'elle soit la fille de mes amies sinon j'aurais pu faire la route avec elle, plutôt qu'à la faire galérer en bus. Plus j'arrivais près du collège, plus cette idée me travaillait. Je pris la direction du centre-ville avant celle de mon lieu de travail afin de trouver un tabac et en tournant dans une petite rue, je la vis, marchant tête basse, entourée de trois garçons, je me mis sur le côté et l'appela sans trop savoir pourquoi.
« Mademoiselle Dumur !
- Putain une prof ! »
J'eus là tout ce dont j'avais besoin de savoir. Je fis monter la jeune fille dans ma voiture et gravais le visage de ces trois garçons, s'ils recommencent, j'allais devoir m'occuper d'eux. Je demandais à Élodie, encore toute tremblante, ce qu'ils lui voulaient et son explication correspondait à l'idée que j'avais. Je trouvai enfin un tabac d'ouvert, partis chercher mes cigarettes et lorsque je revins je vis que mon amie c'était un peu calmée et aussi qu'on allait être en retard si on ne se dépêchait pas. Je fis quelques entorses au code de la route, mais c'était pour le bien d'une élève donc ça passe, or, cela n'apaisa cependant pas ma mauvaise conscience.
« Dis Claire, je peux te demander un truc ?
- Dire ça c'est déjà me demander quelque chose, répondis-je pour la taquiner, sans effet. Que veux-tu ?
- Tu pourrais venir me chercher le matin ? Je crains trop de retomber sur eux demain.
- J'étais en train d'y penser mais s'ils vont au collège aussi... »
Je la vis frissonner à l'idée et n'en dis pas plus.
« D'accord. Je te ramènerais bien aussi le soir mais je veux pas me retrouver à devoir refuser les invitations de repas cinq fois par semaine.
- Tu me dépose à l'arrêt de bus, ils sont montés plus loin.
- Bon si c'est que ça, ça ira.
- Ah ! Nan il n'y a pas que ça ! Tu m'as pas acceptée sur tes réseaux !
- Franchement je n'y suis même pas allée hier soir. On arrive au collège.
- Oui Mademoiselle. Vous êtes dans la même salle qu'hier ?
- Oui, j'y serais toute la journée je pense. »
Pour la première fois de la journée, elle me sourit mais je n'avais aucune idée de ce qui se cachait derrière ce regard. Nous entrâmes dans l'établissement au moment même où la sonnerie du premier cours retentit, j'allais au rez-de-chaussée, Élodie à l'étage, nous nous séparâmes donc immédiatement sans rien dire. Ma première classe officielle était une classe de quatrième, bruyante et désordonnée, je dus faire la gendarme dès que je les vis, les obligeant à se mettre proprement en rang avant de les faire entrer, affirmant ainsi mon autorité sur cette bande de chahuteurs. Il leur fallut néanmoins presque cinq minutes avant d'avoir un rang assez potable. J'ouvris la salle et le brouhaha qui les accompagnait reprit de plus belle. Heureusement, l'heure de cours n'était pas très chargée, la traditionnelle demi-feuille avec les informations de chacun, la vérification de l'emploi du temps, j'allais les avoir quatre à cinq heures par semaine, j'en fus ravie. J'expliquais ensuite le plus gros du programme, n'ayant plus le temps d'entrer dans les détails, je n'en vus pas moins certains prendre des notes, ce qui me donnait un sentiment de satisfaction moyenne, tant pis pour ceux qui ne le faisait pas. Avant que la sonnerie ne se fasse entendre, je les encourageais à la lecture, en vain pour certains, me demandant même s'ils savaient lire. Ma seconde heure de la matinée était libre, je fus tentée d'aller une nouvelle fois derrière le garage à vélo mais m'en défendis, si vraiment j'ai envie d'une cigarette, j'irais après avoir mangé. La classe suivante, après la pause était une classe de cinquième, je me surpris à espérer aller plus loin dans le descriptif de leur programme. Je me remis sur mon ordinateur, j'étais tellement concentrée que je n'entendis ni la sonnerie, ni Élodie et ses amies entrer dans la salle.
« Vous jouez Mademoiselle ? »
La voix me fit sursauter et j'entendis la blonde répondre que je ne jouais jamais, je leur avais dit la veille. Je coupai rapidement le texte sur lequel je travaillais après l'avoir sauvegarder et coupai l'ordinateur qui ne servirait plus de la journée car je passais la pause à discuter avec le groupe de fille. Élodie leur avait raconté ses ennuis du matin et comment j'étais héroïquement venue la sauver de ces trois brutes, j'en fus gênée. La pause passa assez vite et je me retrouvais maintenant avec une classe de cinquième pour faire exactement la même chose que plus tôt mais cette fois-ci avec une classe beaucoup plus calme. J'entendais les élèves chuchoter entre eux mais rien de bien méchant et surtout comparés aux élèves de la classe de quatrième que j'eus en première heure, ils prenaient leurs affaires dans en silence, sans râler. J'en vus même certains, lorsque j'ai demandé de prendre une demi-feuille, en prendre une et donner l'autre moitié à leur voisin, voisine. Évitons le gaspillage de papier. Je pus leur dire aussi tout ce que j'avais préparé au niveau du programme de mes cours, quand la fin de l'heure arriva, j'étais plus que satisfaite. J'allais de nouveau sortir mon ordinateur quand Élodie passa sa tête par la porte.
« Donne-moi ton numéro de tel, vite !
- Oh ! t'as pas oublié quelque chose là ?
- Nan mais allez, Mademoiselle, j'ai pas le temps, je dois encore chercher ma classe. »
Je lui notais donc rapidement mon numéro sur un bout de papier et lui donnais.
« Si tu le perds, tu le paieras de ta vie, je te le dis.
- Je le perdrais pas, promis. À toute. »
Elle partit comme elle fut venue mais beaucoup plus souriante que ce matin. Je pensais alors qu'elle ne serait pas si téméraire à mon égard si je n'étais pas l'amie de ses mères. Avais-je raison ? L'ordinateur posé devant moi restait sur la page d'accueil et alors que mon esprit vagabondait, j'entendis mon téléphone vibrer dans mon sac à main.
VOUS LISEZ
AMOUR INTERDIT
Romanceune collégienne, une professeure, une famille un peu bancale... Et alors... Voyons où leurs vies trépidante va nous mener.