Chapitre 81

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« C'est hors de question !

- Enfin, Élodie, je ne peux pas interdire aux élèves de nous rejoindre, que veux-tu que je leur dise ?

- Et elles ? Que vont-elles dire quand elles se rendront compte qu'on ne lit pas une ligne des bouquins que tu nous demande de lire ?

- Cette fois-ci on s'y mettra sérieusement. Un peu plus de lecture ne te fera pas de mal non plus Élo. En plus cela élargira peut-être ton vocabulaire.

- Tout ça pour deux poufs de cinquième ! On peut pas juste continuer à trainer comme ça ?

- Rappelles toi ce qu'a dit ta mère sur les rapports entre professeurs et élèves.

- Que tu ne les as pas franchis, tu les as explosés ?

- La bonne partie. On ne doit pas être trop proche de ses élèves, si je vous favorise et que ça se répète dans le collège, qui va avoir des soucis ?

- C'est toi...

- Pas la peine de bouder jeune fille.

- Ne m'appelles pas comme ça ! »

Marine nous regardait fixement tandis que Sarah et Noa ne perdaient pas une miette de cette petite scène de ménage, je fus soudainement gênée de me chamailler ainsi en pleine classe, heureusement que nous étions seules. La reprise se fit entendre et je passais les deux dernières heures de la journée avec la classe d'Élodie. Lorsque la fin du cours retentit, je suivis Marine et les autres jusqu'au parking situé devant le collège, là où se mettaient les parents pour attendre leurs enfants et elle me guida vers une voiture à neuf places. Un homme d'une trentaine d'années était au volant, il vit sa fille arriver et lui sourit puis me vit et le sourire qu'il venait d'afficher s'effaça. Il me parla poliment malgré tout, me disant qu'il ne voyait pas trop sa fille partir tout un week-end avec un groupe d'inconnues, bien qu'il eut l'air soulagé de savoir qu'il n'y avait pas de garçon dans notre club de lecture. Ses arguments étaient valables mais en contre partie je lui dis que laisser Marine seule de côté alors que le reste venait serait comme l'exclure du groupe, aimerait-il que sa fille ressente durant toute cette fin de semaine ce sentiment d'exclusion, de solitude ? Le voir grincer des dents ne serait ce qu'une seconde me fit un bien fou, il finit par admettre que je n'avais pas tort et donna son accord pour Marine, les autres filles, qui avaient assisté au débat, s'en réjouirent. Ainsi donc, notre petit groupe allait pouvoir partir au complet, du coin de l'œil je pus apercevoir que Sarah et Noa se donnaient discrètement la main, ce qui me fit sourire encore plus. Étais-je la seule à l'avoir remarqué ? Les autres filles ne semblaient pas y faire attention, y compris Élodie, celle pour qui je me décarcassais autant. Elle me suivit ensuite jusqu'au parking des enseignants et nous prîmes la direction de chez mes parents tout en me demandant ce que mon père avait bien pu dire à ma mère pour justifier ma venue. Enfin, je le serais bien assez tôt, le trafic étant étonnement fluide pour un jeudi en fin de journée. Je sus immédiatement où le trouver en arrivant, la porte du garage était grande ouverte et la voiture sortie, il devait encore bricoler quelque chose à l'intérieur. Il me vit arriver, se leva de son établi et vint m'embrasser, puis embrassa Élodie qui en fut assez surprise, pour ma part cela montrait qu'elle faisait partie de la famille et me donna une drôle de sensation, notre relation était vraiment acceptée de tous nos proches, j'en était fière mais pas que. Il nous fit entrer par la porte qui donnait sur la cuisine, ma mère ne cacha pas sa surprise de nous voir, me demandant ce que nous faisions là et comme attendu de sa part, c'est mon père qui répondit à sa question.

« Tu te lamentais de pas voir ta fille alors je lui ai dit de venir te faire un coucou.

- Je ne me lamentais pas ! »

Son large sourire contredisait ses paroles. Mon père me servit un apéritif, nous le bûmes occasionnellement dans la cuisine car ma mère, qui était en train de préparer leur repas, voulait savoir comment se passaient mes cours et surtout comment allait ma vie de couple. Nous discutâmes donc tous les quatre assis autour de la petite table stratifiée qui datait du siècle dernier. Lorsque nos verres furent vides, mon père m'offrit une cigarette, nous sortîmes donc la fumer dehors en passant une nouvelle fois par le garage. Il me tendit un trousseau de clés dès que nous eûmes franchis la porte, je le pris et le mis dans la poche de mon jeans.

« Tu pars quand ?

- Demain soir et je rentre dimanche dans la soirée, je te les rendrais sûrement lundi soir.

- Tu as le temps. Justement avec ta mère on se demandait ce que l'on allait en faire du chalet, ta sœur n'en veut pas, ton frère est trop jeune, et toi ?

- Si personne le prend, moi j'en veux bien. J'ai des tonnes de souvenirs là-bas.

- En même temps c'est toi qui y a passé le plus de temps. Tu as besoin d'argent ?

- Non, merci mais de ce côté ça va papa.

- Tu vas prendre l'autoroute ?

- Je pense oui, à l'aller du moins, je ne voudrais pas arriver trop tard.

- Nous n'y sommes pas retourné depuis juillet, il y aura peut-être un peu de ménage à faire.

- J'en suis tout à fait capable et Élo me donnera un coup de main.

- C'est une brave petite.

- Oui, elle m'aide beaucoup à la maison aussi. Je suis contente que vous l'ayez acceptée.

- Tu es plus souriante depuis la rentrée que tu ne l'as été ces quatre dernières années. Aller, on rentre avant que ta mère ne râle. Tu manges avec nous ?

- Non, je vais rentrer, on a encore rien préparer. On s'est décidées sur un coup de tête donc tout est à faire.

- Ah, c'est beau d'être jeune et insouciant. »

Il rit en passant la porte de la cuisine, je le suivis. Il venait de parler de ces quatre dernières années, donc depuis ma seconde année de lycée, à l'époque où j'ai fait mon coming-out. Étais-je si triste que ça durant tout ce temps ? Bien, cela ne me regardait plus apparemment et c'était une bonne chose. Je bus, uniquement pour lui faire plaisir, un autre verre de pastis puis nous partîmes en leur souhaitant de passer un bon week-end. Ma mère renouvela son invitation pour dimanche et mon père lui rétorqua que nous avions d'autres plans de sa voix sèche, ce qui fit qu'elle n'insista pas. Personnellement je n'étais pas pressée de revoir Éloïse, pas du tout. Pour moi on se verrait à Noël et c'était déjà bien assez tôt. 

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant