Chapitre 68

57 4 0
                                    

Alors que la pause se finit, les filles partirent en cours, me laissant seule pour une heure vide, je décidais d'aller fumer une cigarette dans le petit coin, derrière la remise à vélos. Je n'aime pas trop transgresser un règlement mais là, j'en avait franchement besoin, la pause venait d'être assez compliquée. Alors que j'étais accroupie, à l'ombre des quelques arbres qui bordaient la grille, j'entendis quelqu'un arriver. Je cachais ma cigarette du mieux que je pus puis vis qu'il s'agissait de Virginie, la professeure de sciences. Elle fit une drôle de tête en me voyant puis vient se mettre à côté de moi et sortit sa cigarette pour fumer elle aussi.

« Tu as une heure creuse ?

- Oui et toi ?

- J'aimerais bien dire que je sèche, dit-elle, juste une fois, retourner en cours et les sécher mais non, je n'ai pas de classe avant cet après-midi.

- D'accord, moi je reprends pour la dernière heure.

- Au fait, on te voit jamais à la cafète...

- Ha, tu mange avec ta chérie.

- Hein ?

- Je t'ai vu la semaine dernière, sur le parking.

- Heu je ne fais juste que la raccompagner chez elle tu sais ?

- Si me raccompagner chez moi m'oblige à avoir ta langue dans ma bouche, ne me conduis nul part s'il te plait.

- Ho, tu as vu ça aussi...

- Donc, je te classe dans la classe des lesbiennes ou des pédophiles ? Elle est en sixième la gamine quand même.

- Tu es plutôt franche quand tu t'y mets, voir insultante même.

- Disons que lorsque que j'ai quelque chose à dire, je ne l'envoie pas par la poste. Mais je me serais sentie mal de te parler de ça en salle des profs.

- Ah, donc tu as tout de même un minimum de considération, ça fait plaisir.

- Donc ? C'est un coup de cœur ou c'est vraiment ton truc les gamines ?

- Disons que j'ai toujours été attirée par les filles plus petites que moi, mais avec Élodie c'était vraiment un coup de cœur et en plus c'est réciproque.

- J'ai du mal à comprendre. Tous les mecs du collège bavent sur cette meuf et elle, elle choisit une prof... Franchement, je ne comprends pas.

- On dira qu'il n'y a rien à comprendre. Par contre si tu pouvais garder ça pour toi, je trouve qu'il y a déjà beaucoup trop de gens au courant.

- Pas ses parents j'espère...

- Ah, si, eux ils le sont.

- Sérieusement ? Mais si un jour ma gamine de douze ans me dis qu'elle est avec une meuf de trente, je la jette par la fenêtre !

- Heu j'ai vingt et un ans s'il te plait.

- Ah ouais t'es jeune. Mais bon il y a quand même neuf ans d'écart quoi. Je suppose que ça doit pas être top de sortir avec une gamine... Niveau galipettes je veux dire.

- Tu la traites de gamine depuis tout à l'heure et tu me demandes sérieusement comment se passe ma vie sexuelle ?! Si tu veux savoir, tout va bien de ce côté-là, elle découvre plein de choses et moi j'aime lui apprendre donc tout va bien.

- Ah ouais. Fais-en pas une salope hein.

- Tu dis vraiment n'importe quoi ! Je te laisse j'ai cours. »

Énervée, je regagnais le bâtiment des classes, tellement stressée que je ne savais même plus avec quelle classe j'avais cours. La mémoire me revint en entrant dans ma salle, c'était l'heure de ma vie de classe avec la classe de sixième dont je suis la professeure principale. Je fus surprise de voir sur mon bureau mes fiches de cours puis me souvins que l'on avait changé l'heure de vie de classe avec celle de cours qui avait lieu une semaine sur deux le jeudi. L'heure se passa dans le calme et lorsque la sonnerie marquant la fin de matinée se fit entendre, je fus heureuse de retrouver Élodie pour déjeuner. Avant que je ne finisse de ranger les affaires traînant sur le bureau, elle me rejoint et demanda si on prenait notre repas ici. Vu le beau temps que nous avions et la proximité du parc, je fus d'avis de bouger, elle posa son sac près du mien et nous partîmes en voiture. Le fameux parc n'était pas loin mais il était hors de question que nous soyons vu par d'autres élèves. D'ailleurs je me dis que je devais parler à Élo de ma petite discussion avec la professeure de sciences. Nous trouvâmes une table assez éloignée de l'entrée pour ne pas être vues et à peine fus-je assise qu' Élodie m'embrassa avec fougue.

« J'attendais ça depuis ce matin, dit-elle, en plus tu fais une drôle de tête.

- C'est parce que moi aussi j'ai pas mal de chose à te dire, tout à l'heure c'était toi, maintenant c'est mon tour. Tu connais madame Penel, la prof de sciences ?

- Ouais, vite fait. Tu l'as vue ?

- En allant fumer une cigarette discrètement, on fume au même endroit. »

Je lui fis un rapide résumé de ma rencontre avec la jeune femme, Élodie m'écouta en silence jusqu'à la fin.

« Bon elle nous a grillées et alors ?

- Et alors, et alors, il y a de plus en plus de monde au courant pour nous. On devait garder cette histoire secrète, tu te souviens ?

- Franchement, tu croyais vraiment qu'on pouvait garder ça rien que pour nous ? Tu sais combien de mec j'ai dû rembarrer en une semaine ?

- Non, je ne sais pas.

- Moi non plus, je ne les compte plus ! J'ai envie de me balader avec une pancarte disant que je suis lesbienne et en couple pour ne plus être emmerdée à chaque fois qu'on a une pose. Quand ça se limitait à ceux de ma classe ça passait mais là, il y a même un troisième qui est venu la semaine dernière.

- Ah, quand même ! Tu dis à chaque fois que tu es en couple ?

- Évidemment. Mais il n'y a que les filles qui savent avec qui.

- Fais attention que Sarah ne gaffe pas.

- C'est vrai qu'elle est un peu idiote. Au fait, ça n'a rien à voir avec le sujet mais tu vas faire quoi mercredi après-midi ? Je ne pourrais pas être chez toi.

- Je vais bosser. J'ai des cours à préparer, des copies à corriger sûrement, avancer un peu dans mon travail, je suis prof, tu te souviens ?

- Bah oui, quand même, la meilleure prof qui soit. Mais je suis un peu triste, je pensais que tu serais venue chez moi.

- Si je viens Adé va se mettre à picoler et Dieu sait dans quel état elle sera quand la femme qui doit venir sera là.

- Hum, pas faux. Je te téléphone dès qu'elle est partie, tu viens me chercher ?

- Si tu veux, ou tu demande à une de tes mères de te conduire. Elles seront là non ?

- Oui mais je te préviendrais que j'arrive.

- Si tu veux. Je finis une heure plus tôt ce soir et toi ?

- Ha, il faut que je regarde mais je pense pouvoir être libre.

- Ne sèche pas hein ! Sinon je te traîne en cours par l'oreille.

- Je sors avec une prof, je vais pas me mettre à sécher, je sais très bien que je vais me faire tuer de tous les côtés, toi, mes mères, ma sœur... Et en plus je serais punie et je ne pourrais plus aller chez toi, encore moins y dormir. Ho, je devais pas t'en parler mais mes mères vont probablement te faire chier pour que tu passes le week-end à la maison.

- Si tu ne devais pas le dire, pourquoi tu m'en parles alors ?

- Parce que j'ai pas de secret pour ma chérie. »

Elle m'embrassa puis nous nous mîmes en route vers la sortie du parc tout en se tenant la main. 

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant