Chapitre 53

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Élodie mit son lourd sac à l'arrière après que j'eus remis les sièges à leur place et monta s'installer devant. Je la rejoignis et elle se mit à me regarder.

« Quoi ? Finis-je par dire, énervée.

- Rien, je suis étonnée de voir que tu ne dise rien.

- Pourquoi je devrais dire quelque chose ?

- Tu aurais dû râler en me voyant te suivre, quelque chose comme tu restes là Élo, tu dors chez toi Élo...

- Tu serais restée ?

- Non.

- Si je te ramène après Auchan, tu rentreras sagement ?

- Non.

- Et bien voilà. Je préfère éviter les conflits inutiles. Ho, écris lessive sur le billet s'il te plait.

- T'en as plus ?

- Si mais il y a des machines près du magasin, ça sera moins cher qu'au pressing et c'est juste pour lui donner un coup de frais à cette couette donc ça suffira bien.

- D'accord. »

Elle prit le temps de lire tout ce que j'avais noté et y ajouta ce que je lui avais demandé.

« Il y a quoi dans ton sac, il me parait bien lourd.

- Mes affaires de cours et des fringues. Ouais il est lourd mais t'inquiètes, demain je ne prends que le nécessaire pour la journée.

- Attends, tu as toutes tes affaires de cours ?

- Ouais. C'est maman Adé qui m'a dit de faire comme ça. Elle a dit que tant que je peux faire mes devoirs tranquille et que mes notes baissent pas, je pouvais faire comme je voulais et quand je lui ai dit que tu ne serais pas d'accord elle m'a dit de te mettre sur le fait accompli car tu ne savais pas gérer ce genre de situation.

- Quelle pouffiasse j'te jure !

- Tu es énervée ?

- Un peu oui. Tout ça donne l'impression qu'elle veut se débarrasser de toi et ça me fout en rogne.

- Ah, c'est pour moi que tu es énervée ? Faut pas, c'est moi qui ai demandé comment faire à mam Adé pour que tu ne râles pas.

- Oui mais te dire ça comme ça, tu parles d'une amie. J'ai qu'une envie là, c'est de l'appeler et de la descendre au téléphone.

- Je sais pas si c'est une bonne idée.

- Je me doute bien princesse. Bon allez, on s'en fait plus et on ne va pas se prendre la tête non plus. Il faudra juste faire un peu plus de courses, si tu as toutes tes affaires c'est que tu ne compte pas rentrer de sitôt.

- Je sais pas, à moins que t'en aies marre de moi. Par contre faut quand même passer faire coucou tous les matins.

- Je comptais bien le faire sans que tu me le dises tu sais. Comme ça si t'as des choses à lui dire ou à lui faire signer tu pourras le faire.

- Oui et même si elle ne semble pas trop s'en faire ça la rassurera de voir que tout va bien.

- Compris. Mais pas un mot de ça au collège sinon c'est retour chez toi direct. »

Elle acquiesça et je m'allumai une cigarette tout en me souvenant d'un conseil de mon père : Si tu peux pas gérer tous tes problèmes, respire à fond et attends que ça passe. C'est bien ce que je comptais faire. Nous arrivâmes chez ma mère, elle me servit un café en me disant que le sac qui contenait la couette était dans le couloir, mon père l'avait descendu vu que je n'avais pas le temps. Je m'excusais auprès de ma mère qui me reprochait le fait de ne pas rester mais sans le dire ouvertement et comme prévu me servis des courses pour excuse et du fait que je voulais mettre la couette au pressing ce soir pour la récupérer au plus tôt. Mon père, après m'avoir dit bonjour m'offrit une cigarette et nous sortîmes tous les deux pour la fumer dans la cour devant la maison, un peu en retrait de cette dernière, pour pouvoir parler sans être entendus.

« Tu as l'air de très bien t'entendre avec cette gamine, me dit-il pour commencer. Tu la traînes partout derrière toi ?

- C'est elle qui a voulu venir, vous l'avez bien reçue la dernière fois et je doute que ce soit la fête avec ses grands parents donc elle était toute contente de venir.

- Je vois, c'est bien. Ce que je t'ai donné t'a aidée ?

- Oui, merci p'pa. Je te rembourserai.

- Non, pas besoin, j'en fais autant pour tes sœurs et ton frère.

- Merci, vous êtes cool.

- Tu vas déménager ?

- Non, pourquoi ça ?

- Tu t'achètes un grand lit, une table et des chaises, tu as pris les affaires du carton sans râler, tu viens même chercher une couette pour l'avoir plus rapidement... Je me demandais si tu allais enfin te mettre en ménage. »

Que dirait-il si je lui balançais que le ménage qu'il avait en tête se ferait avec la gamine dont il parlait plus tôt ? Je trouvais rapidement une excuse, ayant déjà réfléchis en amont à ce genre de question, bien que je fusse étonnée que ce soit lui et non ma mère qui m'interroge.

« J'ai juste envie d'avoir un appartement plus adulte. Je bosse, je suis autonome, ce n'est plus le temps des petits lits et de manger mon assiette dans le canapé. Je pense que j'aurais une vie plus équilibrée si je mettais un peu de normalité dans mon quotidien.

- Tu as mûri, me dit-il. Cela me fait plaisir de te voir devenir adulte et responsable. »

Il écrasa son mégot dans la boite de conserve rouillée qui servait de cendrier, il ne fumait plus dans la maison depuis la naissance de ma grande sœur, et je vis qu'il avait les yeux humides. Cette marque d'émotion inhabituelle chez lui me toucha énormément. Nous partîmes avec Élodie peu de temps après ça et nous allâmes directement au magasin. En cherchant une place pour me garer elle me demanda si je ne devait pas plutôt passer à la laverie avant mais n'ayant pas de lessive, je lui dis qu'il était préférable de passer d'abord au magasin puis ensuite aux machines automatiques. Il y avait du monde, ce qui n'était pas étonnant pour un mercredi en fin d'après-midi, je ne me contentais de prendre que ce qu'il n'y avait d'écrit sur le billet que j'avais fait chez Adeline. Nous fûmes donc rapidement sorties, je tendis un billet à Élodie discrètement et lui demandai de nous acheter des viennoiseries à la boulangerie de l'entrée tandis que je faisais la queue au tabac. Nous rangeâmes les courses dans le coffres et nous dirigeâmes vers le coin laverie. Je pus garer la voiture juste en face, je mis la couette dans la machine et alors qu'elle se lavait, nous mangeâmes les petits pains qu'elle nous avait pris en buvant de thé glacé à la bouteille, ce qui me fit penser à notre premier repas ensemble, dire que cela datait d'une seule semaine ! Encore une fois je me dis que cette relation avançait trop vite. J'allais allumer une cigarette lorsque la machine prit fin, je mis la couette à sécher et en profiter pour fumer debout, à l'écart du véhicule. Nous rentrâmes dès que la couverture fut sèche. 

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant