Chapitre 18

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Je montais doucement l'escalier puis vis les portes depuis le pallier. Celle située en face de moi avait un panneau rose avec ''mamans'' en lettres jaune clair, je fus surprise qu'elles aient pu trouver une telle pancarte dans le commerce. Ensuite venaient deux portes se faisant face, à ma gauche, le panneau indiquait ''Marie'' décoré de roses rouges et en face, '' Élodie'' sur un fond bleu sombre, les lettres rouges surpassait un dauphin, je reconnus la patte artistique d'Adeline, c'était donc du fait main. Je toquais doucement à la porte de la chambre d'Élodie.

« Élo, c'est Claire. Ouvre-moi s'il te plaît.

- Non.

- Pourquoi ?

- Je pleure et j'ai une tête affreuse.

- Je m'en fiche.

- Pas moi ! Lâche-moi !

- T'es sure ? Je rentre chez moi alors. Je suis venue pour toi, je vais pas rester si t'es pas là.

- Va boire avec maman.

- Non.

- Pourquoi ?

- Parce que si je bois on pourra pas sortir comme on l'avait dit.

- Elle est un peu morte la sortie tu crois pas ?

- Non. On peut même y aller maintenant si tu veux.

- Avec ma tête je vais faire peur aux autres clients.

- Allez, ouvre-moi. J'adore les films d'horreur.

- Pff t'es nulle. »

Elle n'en déverrouilla pas moins sa porte, j'entrais dans sa chambre et quittais le couloir pour me retrouver dans un monde aquatique fait de dauphins. De la tapisserie aux bibelots tout en passant par les posters et photos, tout était à l'image de ce cétacé.

« On dirait que tu aimes les dauphins...

- Oui, trop.

- Je peux m'asseoir ?

- Oui. Tu vas me faire la morale ?

- Non. Mais tu sais, je pense qu'au fond ta sœur le sais que tu n'y es pour rien dans cette histoire.

- Je ne vais plus sortir de cette chambre, faire comme elle, juste descendre pour manger. Même plus aller au collège. J'embêterai plus personne comme ça.

- Je ne pense pas que ça fasse plaisir à tes mamans. Marie c'est pris une sacrée gifle tu sais.

- Bien fait pour sa gueule.

- Élo, ne deviens pas haineuse en réponse à la colère. Je n'aime pas ça du tout.

- Et comment je dois réagir ? Descendre en lui disant je te pardonne et lui faire un câlin ? Après tout ce qu'elle m'a dit ?

- Non. Tu lui as rendu service dans le fond mais elle ne le voit pas encore comme ça. Son mec était juste un salop qui bave devant la moindre fille jolie, si ce n'était pas toi, ça aurait été quelqu'un d'autre et elle aurait été encore plus attachée à lui donc finie encore plus malheureuse qu'aujourd'hui, seulement, il faut qu'elle s'en rende compte elle-même, on peut pas la forcer à accepter la vérité car elle l'aime toujours. Mais ça finira par passer alors que l'amour de sa sœur lui, sera toujours là, du moins je l'espère pour vous deux. Il faut juste être patiente et encaisser ses coups, jusqu'au jour où elle te demandera pardon. Je t'ai parlé de ma grande sœur tout à l'heure n'est-ce pas ? »

Elle hocha la tête en guise de réponse, elle s'était collée à moi, le visage contre mon dos, je pouvais sentir ses larmes humidifier mon bustier. Nous entendîmes quelqu'un monter les escaliers en courant, Élodie se crispa un moment en m'entourant de son bras, je lui tins la main, puis la porte d'en face claqua et je repris.

« Ma grande sœur trouve que c'est pas normal que deux femmes puissent s'aimer, on a vécu dans un contexte où l'amour est seulement réservé entre un homme et une femme, pour elle c'est normal et c'est moi qui est étrange de différer de sa réalité à elle.

- Ce n'est pas étrange, souffla Élodie contre mes reins. C'est pas étrange du tout. Tu l'as dit toi-même, peu importe le genre tant qu'on s'aime.

- Oui c'est vrai mais ça c'est notre réalité. Que se passerait-il si Marie te disait demain qu'elle veut se marier avec, je sais pas moi, un chat.

- Je lui offrirai des croquettes en cadeau de mariage, dit la jeune fille en pouffant toujours contre moi. Bon je trouverai ça bizarre c'est sûr mais pas au point de la détester comme elle le fait.

- Je suis certaine qu'elle ne te déteste pas Élo. T'es un petit bout de choux adorable donc impossible qu'elle te déteste. Elle a juste du mal à faire face, et comme elle a mal sans savoir pourquoi, elle projette sa douleur sur les autres. Il faut être patiente, lui montrer que même si elle est dure avec toi, toi tu aimes toujours ta grande sœur.

- Et comment je fais ça ? À chaque fois qu'on se parle on finit comme ça en trois phrases. J'en ai marre à force d'être la seule à fournir des efforts.

- Elle ne se dispute jamais avec tes mamans ?

- Si tout le temps aussi.

- Et comment elle réagissent ?

- Maman Ludi pète un câble plus vite que maman Adé, mais elle ne la frappe pas donc elle l'envoie dans sa chambre, ce qui arrange bien Marie puisqu'elle ne veut pas me voir. Si tu dis que maman Adé l'a frappée c'est qu'elle est vraiment allée trop loin.

- On sait juste à quel point elle t'a blessée. Tu sèches tes larmes et on descend ? Avant que je ne doive changer de bustier ou que tu crées une inondation. Puis Ludi ne va plus tarder, ça me ferait de la peine qu'elles vous interdise de sortir parce que vous vous êtes disputées.

- Oui. Dis elle grande la librairie où on va aller ?

- C'est la plus grande du coin.

- On pourra chercher un livre sur les chiens ?

- Sûrement oui. Tu aimes aussi les chiens ?

- Moi, pas plus que ça mais Marie les adore alors...

- Un livre sur les chiens et un sur les dauphins ça te va ?

- Mais trop ! »

Elle s'était redressée et nous nous faisions face à présent, elle avait raison, sa tête était affreuse et toute trace de sa naturelle joie avait disparu. Je me levais du bord de lit et lui tendit la main pour qu'elle se lève à son tour, je la tirais un peu trop fort et elle me percuta. Je pouvais voir que nous faisions presque la même taille, ce qui est déjà hallucinant pour une élève de collège mais penser qu'elle aurait dû être encore un an en primaire, on ne l'aurait jamais dit. D'ailleurs je pouvais sentir qu'il n'y avait pas qu'en terme de hauteur qu'elle m'égalait. Si elle continuait de grandir au même rythme, j'allais être jalouse. Je pouffais de rire à cette idée et elle m'imita à cause de la bousculade. J'allais sortir de sa chambre quand elle me retint par le poignet, sans y mettre trop de force.

« Claire ?

- Oui ? »

Je me retournais sur elle, son visage s'approcha du mien et elle embrassa ma joue, plus bas que d'habitude puis se recula en souriant.

« Merci d'être là Claire. On y va ? »

Un peu sonnée par son geste soudain, je répondis affirmativement de manière automatique et nous sortîmes ensemble de la chambre.

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant