Chapitre 19

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Adeline était en bas des escaliers, elle nous regarda les descendre puis serra Élodie dans ses bras.

« Tout va bien ma puce ? J'allais aller venir vous chercher.

- Tout va bien mam. On a juste parlé de Marie et de ce qui s'est passé et de comment résoudre ça. J'aime pas quand vous êtes en colère contre elle alors que tout ce qu'elle fait de mal c'est de ne pas comprendre qu'on lui rend service. Mais c'est rien il faut simplement être patientes. Hein Claire ? »

Adeline siffla entre ses dents.

« Eh bien, si ça c'est pas su service à domicile ''senseï''

- Sen... Quoi ?

- Senseï. C'est du japonais, ça désigne un enseignant de matière globale. Mais bon, apprends déjà le Français, le japonais on verra plus tard.

- Oui ! Claire rêvait de se faire appeler senseï par ses élèves à la fac ! C'est une grosse otaku. »

Elle avait chuchoté cette dernière phrase à l'oreille d'Élodie mais de manière assez forte pour dire que je comprenne. Nous passâmes au salon où je vis que mon verre avait généreusement été rempli, Adeline, qui d'ordinaire fumait encore moins que moi, me demanda si je voulais sortir fumer, sous-entendu viens parler dehors. J'acceptais et après avoir bu une gorgée d'alcool, nous sortîmes toutes les deux devant la maison.

« C'est sympa d'avoir gérer Élo, me dit-elle en allumant la cigarette que je lui avais tendu. Elles ont du mal en ce moment toutes les deux, Marie voit sa sœur comme une rivale mais ne voit pas que c'est son ex qui est en faute là.

- C'est pas facile de se dire que la personne qu'on aime est une mauvaise personne.

- Oh, ça sent le vécu.

- Oui. J'en dirais pas plus. Mais Élo m'a demandé quelque chose de spécial.

- Quoi donc ? un dauphin en peluche ? Un dauphin en pendentif ? En boucle d'oreilles ?

- Non.

- Quand-même pas en bague !

- Tu peux être sérieuse deux minutes ?

- Top chrono !

- Un livre sur les chiens.

- Ho, sérieux ?

- Oui. Elle veut montrer à sa sœur que même si elle est méchante, sa petite sœur l'aime toujours.

- Elle est adorable cette gamine. En temps normal Marie est cool aussi mais là... J'arrive à ne plus savoir quoi faire à part louer un ring de catch et les exploser toutes les deux.

- Cela ne résoudrait rien du tout à part passer tes nerfs. Ça va prendre du temps pour que la situation revienne à la normale, ça ne pourrait même jamais arriver.

- T'as toujours pas revue Éloïse ?

- Non. Et à mon avis tant que je dirais pas ''ça y est je suis normal comme toi, j'ai un mec'' les chances sont plus que mince.

- Normale mes couilles ! C'est sa réaction à elle qui n'est pas normale.

- L'être humain est un bipède acéphale étonnamment doué d'intelligence.

- Hein ?

- Rien, laisse. Je sais qu'elle est conne, mais c'est ma sœur. Élo sait que la colère de Marie n'est pas dirigée contre la bonne personne mais c'est sa sœur.

- Et moi je suis fille unique, tranquille.

- T'as pas perdu cette foutue habitude de tout résumer en trois mots.

- Trois ? J'en ai dit plus là ! Enfin bref, on va passer ça sous silence si Ludi rentre sinon ça va encore faire des étincelles.

- Ouais, dit le à la petite aussi.

- Hé bouffeuse ?

- Quoi ?

- C'est MA petite. »

Elle rentra avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, de toute façon je n'y voyait rien à ajouter, je balançais mon mégot sur la route et rentrais aussi. Je repris ma place et Élodie vint me coller avant de me lâcher.

« Pouah, tu pus le tabac sérieux.

- Je viens de fumer.

- T'as pu discuter avec maman ?

- Oui.

- Alors je dis rien.

- Vous n'êtes vraiment pas ensemble ? On dirait Julie en plus jolie sérieux. Lâche-la un peu ta prof Élo. Aller, on tue la bouteille !

- Doucement Adé, je n'ai plus l'habitude de boire autant, je pensais que Ludi serait là aussi.

- Bin t'as perdue ma pote. Aller, ton verre, vite, l'alcool s'évapore, ça va affecter la petite, vite, vide le ! »

Elle riait comme une folle en me mettant la pression je dus finir rapidement mon verre sous le regard ouvertement réprobateur d'Élodie. L'alcool ralluma le vieux feu éteint de mon estomac, j'espère que le repas sera assez conséquent pour l'éteindre avant qu'on aille faire les courses. D'ailleurs je ne savais même plus ce qu'il me fallait. Bon, je prendrais de quoi manger un truc ce soir et quelques nouilles instantanées. À peine eussé-je poser mon verre qu'Adeline le remplit d'une bonne rasade, j'eus beau lui faire signe que c'était assez, elle rit en me le tendant, remplit le sien et le fit de nouveau tinter contre le mien. De l'autre côté, je sentais Élodie me serrer le bras pour me faire comprendre sa désapprobation.

« Après celui-là j'arrête.

- Quoi sérieux bouffeuse ?

- Je dois aller chercher des livres avec ta fille ! Je devais faire des courses mais je ne sais plus quoi acheter. Me force pas à boire trop s'il te plaît.

- Mais même bourrée tu conduis bien ça ira.

Adeline se mit à bouder et tout en titubant elle alla ranger la bouteille d'alcool. Élodie me remercia en chuchotant près de mon oreille, me procurant au passage un léger frisson que j'espérais qu'il fusse inaperçu.

« Élo, on met la table ma puce ? Maman n'est pas sûre de faire tous ces aller-retours toute seule.

- Quelle mère indigne.

- Ta gueule et bois bouffeuse.

- Vulgaire en plus. Ne suis pas son exemple Élo.

- Non, moi je voudrais être comme toi Claire.

- Je te conseillerai simplement d'être toi-même, c'est plus adorable.

- Arrêtez de flirter et viens me donner un coup de main ! »

Adeline était morte de rire dans la cuisine, j'en connaissais une qui allait faire une sieste après que nous étions parties, en attendant, il fallait manger un peu car je peinais à finir mon verre d'alcool et ni l'eau ni les bretzels n'aidèrent.

« Devine qui va pas manger, dit Élodie en soupirant. Elle me saoule.

- Ce n'est pas de la colère cette fois, je pense plutôt que c'est de la gêne.

- Gêne, colère, elle a toujours une bonne excuse et toi, ne la défends pas. »

Jusqu'ici, voilà ce que je voyais : Ma copine de fac n'avait pas changé d'un poil et aimait toujours autant faire la fête, peu importe l'heure ou l'endroit ; sa fille de onze ans qui était aussi grande et bien formée que moi se conduisait comme ma petite-amie actuelle et ça ne me plaisait pas tellement ; la plus grande de seize ans me voyais comme une lolicon qui drague sa petite sœur en abusant de mon autorité de professeure. J'avais envie de me barrer d'ici sans jamais plus me retourner.

AMOUR INTERDITOù les histoires vivent. Découvrez maintenant