Le fils de l'étranger - partie 4

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— Pourquoi tiens-tu tant à m'imposer ce crétin ? lança Dusack de l'intérieur de la maison. J'ai presque envie de me rallier à ses idées : tu sembles vouloir te débarrasser de lui avec cette histoire. 

Le chef des rebelles rentra au chaud et referma le vantail ballottant derrière lui.

— Tu es blessé. Je ne vais pas te laisser partir seul. Je n'ai que lui sous la main.

— Je vais bien. Et puis entre nous, comment un incompétent permettrait-il à un éclopé de soulever des montagnes ? Il a toutes les chances de crever en chemin. 

Une moue nerveuse se dessina sur le visage d'Aräck tandis qu'il adressait un regard insistant à son fils. Dusack n'était pas du genre à obéir aux ordres, à suivre les plans ou à agir dans l'intérêt général. Il fallait toujours qu'il n'en fasse qu'à sa tête, au grand dam de son père.

— Il n'y aura aucune montagne à soulever. C'est une mission de renseignements avant tout. Vous allez appuyer le groupe de Nellea, elle manque d'effectifs elle aussi. Si vous parvenez à confirmer l'information, c'est elle qui interviendra.

— L'information n'existe pas. La vérité reste à découvrir. Il est parti, tu peux arrêter les mensonges. 

L'homme porta son attention sur la table au centre de la pièce. Il s'en approcha en boitillant et prit en main le parchemin censé contenir la liste de prisonniers que les rebelles venaient de récupérer. Il ouvrit la feuille pliée en quatre, les mains tremblantes.

Le parchemin était vierge.

Il eut un soupir ému, comme si l'évidence venait de le transpercer de nouveau : il n'avait aucune information quant à la localisation de sa femme. Chacun des traits de son visage se figea. Il regrettait d'avoir menti à Pixx, mais c'était là la seule idée qu'il avait pu trouver pour être crédible face à lui et parvenir à le convaincre.

— Tu sais très bien comment ça va se passer, n'est-ce pas ? lâcha Dusack en regardant ailleurs.

— Tu vas demander de l'aide à l'aédelfien, affirma son père.

— Exact. Il sera bien plus précieux que ton blondinet maigrichon.

— Tu sais ce que j'en pense. Ne mélange pas tout, Dusack. Garde l'objectif de la mission en tête.

— Il n'y a pas de mission, répondit le jeune homme en faisant claquer sa mâchoire. Je me moque de ce que toi et ta petite rebelle... quel est son nom, déjà ? "Nellea" ? Je me moque de ce que vous avez prévu. Tu peux raconter tout ce que tu veux à Pixx, lui dire que c'est une mission rebelle officielle, prétendre que nous avons les informations nécessaires pour la mener, que des alliés nous attendent sur place ; tout ce qui te chante. Mais pas à moi. Je ne suis plus un rebelle. Il va falloir que tu le comprennes une bonne fois pour toutes. Une fois à Aredhel, ce que j'ai prévu ne vous regarde en rien, ni toi ni tes rebelles. Je n'y vais pas pour vous. 

Aräck serra les dents. Il savait que son fils n'allait pas partir que pour retrouver sa mère, et qu'aucune parole ne pourrait le faire changer d'avis. Aredhel lui évoquait trop de mauvais souvenirs. Une fois sur place, il allait affronter les fantômes de son passé. 

— Je n'aurai qu'une requête, souffla l'homme en s'asseyant. Ne déclenchez pas quelque chose que vous ne pourrez pas assumer.

Dusack passa une main dans sa nuque, cala son crâne contre le mur de la maison puis ferma les yeux, refusant d'accorder le moindre regard à son père.

*

Une étoile filante transperça le ciel et lâcha une traînée de feu dans la nuit noire, avant de disparaître dans l'immensité. Pixx baissa le nez et reprit sa marche. Divers sentiments l'agitaient : l'excitation de rejoindre Aredhel, l'espoir d'y trouver les réponses qu'il cherchait depuis toujours, l'appréhension de quitter le village et les réticences vis-à-vis du voyage avec Dusack... qui n'avait jamais été son grand ami. Comme il avait sensiblement le même âge que lui, il l'avait côtoyé lors des séances de classe dispensées par la vieille Raine, mais ils n'avaient jamais été proches. Dusack était un rebelle, du moins à l'époque un apprenti-rebelle, ce qui n'avait pas joué en faveur de leurs relations. Pixx ne savait pas ce qu'un voyage de plusieurs jours à ses côtés allait donner, et craignait les longs silences gênants, d'autant plus qu'on disait de Dusack qu'il n'était pas très bavard.

Taïka - Les Brèches du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant