Nacris, Renaissance, an 127. Aube.
Niché dans un ciel teinté de pourpre et d'azur, le soleil levant dorait à peine les toits des chaumières et les plus hautes ramures des chênes. Comme chaque matin depuis plusieurs jours, les oiseaux chantaient à plein gosier des hymnes amoureux et les arbustes fleuris exhalaient leurs doux parfums. Les grandes herbes vertes, semées de myosotis et de coquelicots, s'agitaient au gré d'une légère brise. Des bourdons voletaient autour des genêts et faisaient retentir leurs harmonieux concerts. La nature s'éveillait peu à peu, fraîche et fleurie, tandis qu'un pollen printanier tourbillonnait déjà dans les champs de trèfle et luzerne alentour. Renaissance coulait dans les veines de la terre, brillait de tout son éclat et embaumait les airs.
Au sein du village, des cochons satisfaits et repus ronflaient dans les coins les plus tranquilles. Plus loin, le caquètement des poules accompagnait le départ des hommes pour les champs. Les semelles de leurs galoches foulaient des ruelles parsemées de boue malsaine. Hier fiers rebelles, aujourd'hui simplement armés de houes rudimentaires, ils avaient perdu de leur superbe mais semblaient moins soûls que la veille. Ils se séparaient en divers groupes de travail tout autour de Nacris, sans se préoccuper de la majesté de l'éclosion du matin. Des cultures de céréales et de légumineuses côtoyaient les pâtures, et un agréable zéphyr dessinait des vagues dans les innombrables champs encore verts.
Les paysans, ayant exigés du sol plus que ce qu'il ne pouvait donner, avaient fini par appauvrir la terre, la rendant peu fertile. La rigueur du froid nouveau, qui coulait de Fracture depuis quelques années, ne faisait que rendre leur tâche encore plus ardue. Néanmoins, l'agriculture restait la principale source de nourriture des habitants. En fonction des saisons et des besoins des rebelles, ils troquaient sans rechigner leurs armes contre fourches et faux et s'activaient dans la campagne entourant leur bourgade.
Sur la place du village, à l'ombre d'un auvent de toile, deux silhouettes stoïques ignoraient l'agitation des travailleurs. D'un geste brusque de la main, Dusack fit s'éloigner les poules les plus curieuses dans un froissement d'ailes, puis déroula une vieille carte sommaire sur un tonneau. Il traça du doigt le chemin qu'il comptait emprunter pour rejoindre Aredhel.
— On remonte à l'Épine. On s'accorde une vraie nuit à Sanghrën. On prend plein nord et longe les côtes. Et on atteint Aredhel. Quelques jours, tout au plus.
— Quel glorieux plan, ironisa l'aédelfien, poings serrés sur les hanches.
Ils échangèrent un regard muet. L'ambiance se fit lourde. Même s'il avait accepté d'accompagner Dusack, Zalma restait méfiant et peu rassuré à l'idée de rallier la capitale. Le pouvoir niait en bloc les faits, mais des rumeurs couraient depuis quelque temps sur une traque organisée par les soldats du roi pour faire disparaître les derniers aédelfiens. Quand bien même personne ne pouvait en apporter la preuve, et encore moins une justification rationnelle, rejoindre Aredhel s'apparentait à se jeter dans la gueule du loup si les ragots s'avéraient vrais.
Une araignée pendue à son fil se tortilla soudain entre les yeux des deux compagnons, si bien qu'elle arracha un rictus à Zalma et brisa la confrontation silencieuse qui venait de s'installer. Même s'il savait être sérieux lorsque cela s'avérait nécessaire, la bonne humeur naturelle de l'aédelfien n'était jamais bien loin. De toute évidence, un rien l'amusait.
— Une meilleure idée à proposer ? râla Dusack, que l'araignée joueuse n'avait pas déridé.
— Non, je voulais juste dire que tu ne m'apprends rien, répondit-il en haussant les épaules.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasia« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...