Un craquement de chaise. Une mouche insolente qui vient se poser sur le rebord d'une chope en étain. Un geste de la main pour la faire fuir. Puis le silence.
Dusack s'installa plus confortablement encore, croisa les jambes avec assurance.
— Je suis patient, mentit-il. Ce n'est pas moi qui finirai par crever de faim ou de soif. Tout dépend de toi, Zaak.
En face de lui, le Paladin ne bougeait pas. Il était assis, à demi nu tout comme Pixx, les fers aux pieds. Une lourde chaîne enserrait son torse, plaquant son bras rescapé contre son flanc. Et pour compléter son parfait arsenal de prisonnier, un anneau d'acier autour de son cou permettait de le tirer comme un chien au bout d'une corde. Sans son armure de jais sur le dos, il ne restait de lui qu'un gamin arrogant qui tentait à grand-peine de conserver son expression de défi malgré la situation. Un gamin jouant un rôle qui ne lui seyait pas.
— Je n'ai rien à dire.
Même s'il se faisait violence pour ne rien laisser transparaître de la douleur qui le torturait, sa voix n'était plus aussi menaçante qu'avant la bataille. Les cernes profonds qui soulignaient ses yeux, la sueur qui perlait à son front et son teint cireux achevaient de le trahir. Il n'était plus que l'ombre du chevalier noir qu'il incarnait hier. Son moignon tout emmailloté dans un linge taché de sang séché, pareil à celui qui entourait le crâne de Dusack, prouvait qu'Isélia n'avait pas ménagé ses efforts. Elle avait prodigué ses soins à tous les blessés, fussent-ils de la pire engeance. Mais dans le cas de Zaak, peut-être avait-elle tout intérêt à le garder en vie pour le moment.
— Je vais le répéter encore une fois, reprit Dusack en jouant de ses doigts sur sa chope. Je ne suis pas là pour t'extorquer je ne sais quelle information confidentielle qui fragiliserait le roi ou tes petits copains Paladins. Ce combat ne m'intéresse plus. Et tu me sembles beaucoup trop jeune pour être au fait des secrets du royaume, de toute façon. Non, je ne veux savoir qu'une seule chose. Qu'est-ce que Solafein t'a dit à mon sujet ? Je sais que tu as eu des consignes. Je veux les entendre de vive voix. Pour être sûr.
Zaak renifla avec mépris, à s'en exploser les narines.
— Je n'ai rien à dire.
Dusack souffla d'exaspération : lui aussi peinait à dissimuler ce qu'il ressentait. La patience n'était pas sa vertu première. Il regarda ailleurs pour ne pas défaillir.
Sur un sol de terre battue, la tente dans laquelle ils se trouvaient tous deux était vaste mais sans ornements, simplement meublée d'un tapis troué, de quelques chaises, d'un lit de fortune et d'une table sur laquelle une carte de la péninsule était dépliée. Divers objets plus ou moins appropriés traînaient aussi sur son plateau usé, patiné par les ans. Et de par les étendards multicolores placés en divers points stratégiques de la carte, l'on pouvait sans mal imaginer les conseils de guerre qui avaient jadis siégé céans. Une pile de parchemins ici, un amas de lettres encore scellés là-bas, tout laissait à penser que malgré son aspect vétuste, cette tente était une vraie base de commandement rebelle.
Une odeur lourde et fade, mélange de métal, de sueur, d'herbes et de renfermé, s'exhalait dans l'air. Une odeur chargée d'Histoire. Depuis que Ranks lui-même avait établi le nouveau quartier général de la rébellion au sein de l'Épine, toutes les décisions importantes y avaient été prises. Et nombre de projets ambitieux y avaient été conçus. L'objectif premier du défunt leader rebelle était jadis de prouver que les Paladins étaient responsables du massacre d'Elfinéa et des siens. Mais plusieurs embuscades ou manœuvres offensives avaient également été planifiées ici, quand bien même elles ne concernaient pas directement les survivants aédelfiens. Et la dernière opération, la plus retentissante d'entre toutes, s'y préparait encore. L'étendard rouge sang placé sur Aredhel en témoignait.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...