[— Vous êtes vraiment les pires rebelles que j'aie jamais vus, intervint soudain une voix masculine derrière eux.]
Ils se retournèrent d'un même mouvement et découvrirent un homme chétif. Il portait un pantalon de cuir crotté sous une tunique vert foncé. Ses bottes vétustes et boueuses semblaient prêtes à rendre l'âme. La tenue typique d'un ouvrier d'Aredhel. Mais dans son cas, il la portait comme un déguisement plutôt qu'un véritable habit. Faron venait de les rejoindre ; le messager rebelle en charge de porter les messages de l'ouest jusqu'au cœur de la cité, jusqu'à sa responsable. Il posa sa charrette sur le côté et scruta le groupe de ses yeux cuivre. Son teint livide était creusé de cernes noirs et des plis lui labouraient le coin des lèvres.
— Combien de temps espériez-vous survivre à Aredhel, au juste ? Vous êtes aussi discrets qu'un troupeau d'oies en plein cacardements !
— Et tu es ? demanda Dusack sur un ton méprisant.
— Faron, pour vous servir, répondit-il en lui tendant une main qu'il refusa. Je récupère les messages que vos hommes amènent jusqu'ici et je les transmets à Nellea.
Il sortit de sa poche une lettre cachetée portant le sceau de la rébellion, puis la porta devant ses yeux. Isélia reconnut sans mal la missive qu'elle avait envoyée en urgence vers Aredhel au lendemain de la bataille. Il ne mentait pas.
— Nellea ! s'exclama-t-elle aussitôt. Tu la connais, alors ? La chance nous sourit enfin !
— La chance ? répéta-t-il, indigné. Parlez pour vous ! Depuis qu'on m'a porté cette lettre, je passe mes journées sous la pluie pour ne pas rater votre arrivée ! Heureusement que vous n'étiez pas difficiles à repérer. Des voyageurs qui s'arrêtent sur une colline et scrutent la cité pendant toute éternité, ça n'existe pas, ici ! Les soldats font des rondes de jour comme de nuit dans les alentours, vous êtes vraiment inconscients.
Plutôt que de s'en émouvoir, la jeune femme arqua un sourcil et s'amusa de la situation. Un sourire fendit son visage trempé par la pluie.
— Vous ne vouliez pas rater notre arrivée ? Étions-nous à ce point attendus par la rébellion d'Aredhel ? Décidément, notre popularité nous précède. Nellea a-t-elle lu ma lettre et déjà mis sur pied un plan d'action ? Nous devons la voir au plus vite. Chaque seconde est précieuse.
— Laissez-moi donc parler ! Nellea n'a rien lu du tout !
Les sourires s'effacèrent d'un coup et l'attention générale fut captivée.
— Voilà plusieurs jours que je ne l'ai plus vue. Depuis qu'elle m'a demandé de quitter la ville, elle est introuvable ! (1)
— Quitter la ville ? s'étonna Isélia. Mais nous avons au contraire besoin de tous les effectifs disponibles !
— Ecoutez. Je ne sais pas ce qu'il se passe ici. Mais j'ai l'impression qu'elle prépare quelque chose dans son coin. Je suis désolé. Je ne sais pas ce que vous lui vouliez, mais vous allez devoir vous débrouiller sans elle. Je n'ai pas pu la prévenir ni lui transmettre votre message.
Il y eut un moment de flottement. Les épaules d'Isélia s'affaissèrent, comme anéanties par le poids des mots. Faron reprit après un instant, sans s'inquiéter du silence qu'il venait de faire naître :
— En tout cas, je vous attendais de pied ferme. J'étais pressé d'enfin rencontrer des rebelles ! Moi, je ne suis pas grand chose, vous savez, alors je n'ai jamais eu l'occasion de croiser les autres !
Dusack plissa les yeux, fronça les sourcils, sur la défensive. Il planta Souffrance dans le sol, juste devant lui, et s'appuya sur le pommeau.
VOUS LISEZ
Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...