NDLA : Deux parties ont été posté en même temps. Assurez-vous d'avoir lu la 1 avant.
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La voix était celle d'un homme mature, une voix rauque mais décidée, éraillée par l'alcool, le tabac ou les nuits blanches ; une voix de celles qui secouent l'âme et les tripes sans ménagement.
— Que quelqu'un me décrive cet homme, s'il vous plait ! tonna Thronar après un bref instant de réflexion. J'aurais beaucoup aimé voir à qui je parle.
Un rebelle - ce même rebelle qui lui avait déjà décrit l'état de Selm avec détail et grand soin - prit tout de suite la parole avec une certaine solennité :
— Une grande silhouette de forte carrure. La cinquantaine, peut-être moins. Long manteau blanc rayé de bleu ciel. Visage engoncé dans un col haut doublé de fourrure ; traits durs, marqués par les épreuves, mais posture nonchalante. Une cicatrice sillonne la joue et se perd dans une chevelure blonde ébouriffée. Barbe mal taillée. Yeux noisette aux reflets de miel.
Un bruit de gorge évasif fut la seule réaction du concerné. On le devinait surpris, voire un peu piqué d'être décrit de la sorte, pourtant le portrait fait par le rebelle était des plus exacts.
— Un manteau blanc ? s'étonna Thronar. Pas vraiment l'accoutrement que j'attendais pour un protecteur de l'ombre.
Silence. Puis Mateus répondit avec impassibilité :
— Le blanc et l'azur des anciens Paladins. Je trouve l'ironie délicieuse.
Un rire courut dans l'assistance, puis s'ensuivirent quelques banalités d'usage, à la gloire passée des rebelles - si tant est qu'on puisse appeler banalités une conversation dans de telles circonstances -, mais très vite Thronar recentra le sujet :
— Il m'a dit... que tu veillais sur nous, caché dans des cavernes ou réfugié dans des landes désertes. Mais je n'ai pas l'impression que tu aies beaucoup veillé sur l'Épine. La rébellion s'est éteinte en même temps qu'Aräck. C'était un vrai carnage, là-bas. J'aimerais comprendre. Qui es-tu, au juste ?
— Selm était sans défense, commandant. Je peux faire beaucoup de choses, mais je ne suis pas encore capable de protéger deux positions en même temps. Je n'ai ni armée, ni flotte sur la mer ; ni généraux, serviteurs ou escortes. Je suis seul. Mais vous aviez Pixx dans vos rangs, n'est-ce pas ? C'était ma façon de vous aider.
Pixx. Au souvenir de la bête de cauchemar qui l'avait défiguré, Thronar se crispa et serra la mâchoire. Un nouveau silence, puis un bruit de tissu froissé.
— Je suis désolé pour tes yeux, reprit Mateus. Il apprendra à se maîtriser.
Le rebelle resta un instant muet de stupeur avant de pouvoir répondre :
— Comment sais-tu ? Comment sais-tu que c'est ce gamin qui m'a blessé ?
— Je sais beaucoup de choses. C'est l'apanage de ceux qui étaient de potentiels Echos.
Un Echo. S'il avait su, ce seul mot aurait dû faire vaciller le rebelle jusqu'à la moelle. Mais il ne savait pas. Et ses pensées étaient de toute façon trop accaparées par Pixx.
— Ton fils, c'est ça ? J'ai pu discuter quelques instants avec lui. Il te croyait mort. Et il te cherche maintenant comme un homme épris cherche la femme qu'il aime. Je vais le dire encore une fois. J'aimerais comprendre. Qui es-tu, au juste ? Ou plutôt, qui êtes-vous ?
Aucune réaction ne vint, mais Thronar pouvait toujours entendre la respiration lente et régulière de Mateus, la respiration sereine de l'homme maître de ses émotions. À l'évidence, le sujet ne l'émouvait guère, le laissait indifférent au point de ne pas daigner lui apporter de réponse.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...