Un grimpeur beige virevolta un instant autour des mèches dorées du jeune homme, puis vint se poser sur une épine monumentale tout près de lui. Il ouvrit son bec marron comme s'il voulait parler, mais ne poussa qu'un piaulement suraigu. L'oiseau gratta et picora au hasard, à la recherche de graines ou restes sucrés qui n'existaient pas. Maladroit, il sautilla sur ses pattes, pépia encore et finit par déraper sur le givre. Il s'arrêta sur la pointe de l'aiguillon dans une glissade désespérée, tandis qu'une gerbe de cristaux de glace scintillait sous ses griffes.
Pixx esquissa un demi-sourire avant de recentrer son attention sur l'agitation ambiante. Délaissé par ses compagnons, qui étaient partis en réunion d'urgence avec Aräck, il n'avait rien trouvé de mieux à faire que s'asseoir dans un coin, dans l'attente d'Isélia. Bientôt elle reviendrait et ils pourraient discuter sans méfiance, d'une manière libre, franche et saine. Bientôt, il saurait quel avenir lui réservait son Sceau.
Le piètre campement de l'Épine, qui servait pourtant de quartier général aux rebelles, était toujours en ébullition. Les hommes travaillaient avec la vigueur que donne l'espérance, même si un vent d'appréhension soufflait dans les rangs. Hélas, leur effervescence matinale ne masquait pas la précarité des lieux. L'Épine ne semblait tenir son nom que de sa végétation insensée, et non des installations humaines qui s'avéraient rudimentaires. Plutôt qu'une véritable base rebelle, on eût dit un atelier de campagne à ciel ouvert, où les forgerons fondaient le fer dans des fours construits à même le sol. Les moyens étaient réduits et le confort laissait à désirer. Des tentes noircies par la fumée, trouées par les flèches ennemies ou les ravages du temps, protégeaient avec peine le butin périssable. Du matériel endommagé par les précédentes batailles s'entassait ici et là. À l'image de Selm et son ambiance morose, l'Épine paraissait à bout de souffle, fatiguée par de trop nombreuses années de rébellion.
— Oh, t'es nouveau l'gosse ? J'tai jamais vu dans l'coin.
Pixx cessa son inspection et releva le nez. Devant lui, un homme élancé tenait un seau rempli d'une eau noire repoussante, qui laissait deviner les tâches ingrates dont il devait se charger. Il portait une tunique de cuir bouilli renforcée d'écailles de fer ainsi que deux petites épées au côté. Ses longs cheveux noirs attachés en une queue de cheval mal ficelée dansaient contre sa nuque.
— Les p'tits nouveaux s'font rares d'nos jours. Qu'est-ce qui t'amène là ? Un chien d'soldat a tabassé ta mère ? Torturé ton père pour trois sous ?
Sa voix rauque d'homme qui a trop vécu avait la sonorité désagréable d'un crissement de gond rouillé. Pixx voulut répondre, mais l'arrivant semblait vouloir parler seul.
— Oh, souffla-t-il comme si la vérité venait de s'imposer à lui. Un fils de putain a souillé ta p'tite sœur ?
— Non ! s'exclama enfin Pixx en fronçant les sourcils, troublé par ces idées odieuses. Non, à vrai dire je ne suis pas un...
Il s'interrompit au beau milieu de sa phrase. Ses yeux noisette balayèrent le camp. S'il avait choisi la veille de révéler ses opinions à Isélia, peut-être n'était-ce pas judicieux d'en faire de même avec le premier rebelle venu. La réaction déjà virulente de la jeune femme pouvait très bien se transformer en agression pure et simple, s'il avait le malheur de tomber sur un impulsif aux décisions brutales.
Lors de son arrêt à Nacris, Dusack lui avait clairement dit qu'il valait mieux se faire passer pour un allié pour éviter tout ennui. À raison.
Dusack. L'homme qui lui avait sauvé la vie en le portant sur son dos. Pourquoi avait-il sciemment caché qu'il savait pour l'attaque de l'Épine ? Lui qui avait veillé une nuit entière dans les Échardes pour assurer la survie de ses deux compagnons, pourquoi les conduirait-il ensuite dans un vrai guet-apens ? Aux yeux de Pixx, cette décision n'avait aucun sens. À l'évidence, il lui manquait des informations pour rétablir l'ensemble de ce puzzle.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasia« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...