NDLA : Cette partie est teintée de désespoir, reportez votre lecture à plus tard si vous avez passé une mauvaise journée.
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Il avait à peine fini sa phrase que déjà des éclairs démesurés zébraient les cieux. Des éclairs immenses, somptueux, qui crevèrent tout le ciel d'un bord à l'autre, se ramifièrent en branches tortueuses puis tombèrent sur Aredhel comme les flèches d'un puissant bataillon. Dans un fracas de volcan qui éclate, la foudre éventra hommes, femmes et enfants sans faire de distinction aucune. Des cris d'horreur suivirent, des cris mêlés aux supplications plaintives, aux larmes du désespoir, aux bruits du Chaos. Alacanth, tout recouvert d'éclairs crépitants, leur répondit par un hurlement de rage, un bruit atroce, comme pour mieux attiser la colère du ciel. Isélia et les siens furent soufflés par les explosions qui suivirent. Partout les arbres s'enflammèrent, puis les maisons prirent feu à leur tour, les unes après les autres. Bientôt la ville-haute ne forma plus qu'un grand incendie, un brasier ardent où les éclairs se croisaient de tous côtés. Les habitants couraient, s'appelaient les uns les autres, cherchaient du regard leurs frères ou leurs enfants perdus ; beaucoup toussaient, gémissaient, pleuraient, criaient ou fuyaient en tout sens devant cette abomination dont chaque mouvement manquait de détruire une nouvelle maison.
Au-dessus des têtes, le ciel se déchira dans un effroyable bruit de fin de temps, pareil à celui qui avait secoué le début de la Bataille de l'Épine. Mais cette fois, aucun éclair ne vint ; on eût simplement dit que la péninsule entière était en train de se fendre sous le courroux des dieux.
Soudain, des soldats en armes accoururent avec furie au milieu de la population affolée et formèrent un arc de cercle devant la bête, tels des protecteurs, des sauveurs que rien ne pouvait arrêter. Les flammes se reflétèrent sur le métal poli de leur armure tandis qu'Alacanth tournait lentement la gueule vers eux. Il gronda en découvrant ses énormes crocs, acérés comme des lames de poignard. Un ordre fusa. Un ordre clair, net, fort, claquant comme un fouet, ne supportant pas de contestation. Une clameur lui répondit. Comme un seul homme, les soldats se ruèrent aussitôt à l'assaut, épées brandies, avec une fureur indicible. Les rares témoins de la scène frémirent ; on eût cru que le monstre allait être mis en pièces tant leur charge semblait réglée comme une chorégraphie. Ils étaient presque au contact lorsque l'œil de la bête brilla d'une lueur mauvaise. Et tout bascula dans un chaos encore plus grand. Un éclair unique, large et brillant, déchira la nue, pendant qu'un formidable coup de tonnerre éclatait. La foudre tomba sur les soldats comme un châtiment vengeur ; ils furent anéantis sur le coup, jusqu'au dernier, sans pouvoir porter la moindre attaque.
Et le monde ne fut plus qu'un voile éblouissant pour tous les survivants aux alentours. Le sol céda sous leurs pieds ; la ville-haute s'ouvrit en deux dans un craquement assourdissant tant l'impact avait été violent. Tous vacillèrent d'abord puis tombèrent dans le carnage, sans pouvoir réagir, alors que la cité tout entière s'embrasait de plus belle. Les uns, en proie au feu brûlant qui les dévorait, poussaient des hurlements affreux ; d'autres, dont les chairs étaient consumées jusqu'aux hanches, laissaient voir leurs os décharnés et gisaient ça-et-là, pareils à des troncs calcinés. Et alors que déjà l'odeur de la mort se mêlait à l'odeur de brûlé, la foudre continuait de faire danser les corps inertes dans un ballet macabre. Au milieu de ce champ de bataille épouvantable, les yeux des rescapés ne voyaient plus que des taches blanches aveuglantes, des débris leur tombaient dessus ; des geysers de poussière, de cendres, de fragments d'os et de flammes s'élevaient de toutes parts.
Alacanth, dépeint dans les livres comme le chien de Taïka, le semeur de mort et de désolation, le destructeur du royaume aédelfien et le prélude à la grande bataille, déchaînait sa colère divine contre les hommes, libérait le tonnerre de la vengeance comme une funeste répercussion au massacre d'Elfinéa.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...