Les lumières de la Justice - partie 2

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Marche après marche, Shura ne cessait de réfléchir aux potentielles raisons de cette convocation soudaine. Les Paladins ne se réunissaient qu'en de rares occasions, trop rares pour que Solafein s'amuse à modifier l'horaire de l'entrevue au dernier moment. Leurs pairs étant souvent aux quatre coins de la péninsule pour y régler des affaires de la plus haute importance, ils éprouvaient de grandes difficultés à arrêter la date d'un conseil. Le décaler semblait malvenu, même si chacun savait de toute façon que la décence n'étouffait pas Solafein. 

Il arriva en haut des escaliers, traversa un couloir pierreux des plus lugubres, puis franchit une porte de bois garnie de barres de fer cloutées. Il s'engouffra au-dehors, dans la cour du château, sans même remarquer qu'on le poursuivait. L'homme qui était venu le prévenir, haletant, manqua de recevoir le battant de la porte en pleine figure. 

— Monseigneur Shura ! cria-t-il alors qu'il sortait lui aussi à l'air frais. Attendez ! 

Le Paladin pivota sur ses talons et lui lança un regard à la fois soucieux et excédé. 

— Vas-tu donc cesser d'hurler ! Je ne donne pas cher de ta peau si tu perturbes la quiétude de ton souverain. 

— Oh ! s'exclama-t-il en portant les mains à sa bouche. Excusez-moi. 

Shura roula des yeux, consterné par la bêtise de celui qui était censé incarner la voix de la vertu. Tous deux tournèrent la tête en direction du donjon carré qui se dressait au centre de la cour. Si le roi avait entendu les cris de l'homme, il lui aurait suffi d'un regard, lancé de ses appartements, pour condamner à mort le fautif. Mais les multiples étages de la tour sombre restèrent comme à leur habitude sans vie, comme figés dans le temps. 

Le Paladin reprit son chemin à travers la cour, cherchant à semer celui qu'il n'avait déjà que trop vu pour la journée. 

— Monseigneur ! continua l'homme sur un ton plus mesuré. Nous devons discuter de l'Aurora. 

Shura s'arrêta à nouveau et souffla de mécontentement. À son cou, un collier d'argent où pendait une perle rougeoyante s'agita au hasard d'un coup de vent. Quelques gardes en patrouille sur les chemins de ronde s'arrêtèrent et jetèrent des regards surpris sur la scène. 

— Je ne veux point vous offenser, Monseigneur ! reprit le petit homme en tournant autour du Paladin. Ma curiosité me pousse simplement à m'étonner que vous exhibiez un tel artéfact. N'est-ce point là prendre un risque inutile ? Vous pourriez l'entreposer avec les autres reliques, sa sécurité y serait maximale. 

Un trousseau accroché à sa ceinture tinta ; les clés de la salle des reliques. Malgré son ricanement grotesque, Shura comprit bien vite que ses intentions dépassaient la simple curiosité. 

— L'Aurora est en parfaite sécurité à mon cou. Reste à ta place, conseiller. 

D'un geste sec de la main, il intima à son poursuivant de s'arrêter, et de l'autre, il cacha son pendentif sous son haubergeron. Il reprit ensuite son chemin en hâtant le pas. Les soldats suivirent chacune de ses foulées, émerveillés. Son armure reflétait les éclats solaires, lui donnant des airs de mage de guerre submergé par ses propres pouvoirs. Après de nouvelles enjambées, il arriva de l'autre côté du château. Il passa sous les arcades et franchit une porte de bois sombre, riche en ciselures et ornements, puis disparut à l'intérieur. Au milieu de la cour, le conseiller grogna de frustration. Il réfléchit quelques instants et décida d'ignorer l'ordre du Paladin en lui emboîtant le pas. 

La pièce dans laquelle venait d'entrer Shura s'apparentait à une salle de réception, revêtue de carreaux aux teintes de beige et au sol de marbre veiné d'or. Il la traversa rapidement, sans prêter attention aux fioritures qui agrémentaient les meubles et l'argenterie. Les ancêtres du roi, peints sur d'immenses tableaux accrochés au mur, semblèrent le toiser d'un air accusateur. De l'autre côté de la salle, il franchit une lourde porte entrouverte et arriva dans l'une des nombreuses antichambres du château, qui faisaient le lien entre les différentes pièces. Devant chaque porte, deux gardes en armure blanche et or surveillaient les lieux, hallebarde en main. Il les salua d'un geste du menton, mais n'obtint aucune réaction. Sur sa droite, un imposant escalier de marbre arrondi, orné d'un large tapis rouge et or, conduisait au Berceau Blanc. Alors qu'il allait emprunter ses premières marches, il entrevit un mouvement indistinct par l'une des fenêtres à meneau, de l'autre côté de la pièce. Interloqué, il s'en approcha d'un pas leste. Au même moment, le conseiller entra à son tour dans l'antichambre, en essayant vainement d'être discret. Shura se planta devant la fenêtre et croisa les bras. 

Taïka - Les Brèches du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant