La Gravelle, Renaissance, an 127. Aube.
Les premières lueurs du soleil levant filtraient à travers les rideaux et faisaient flamboyer la pierre des dieux habillant le visage de l'aédelfien. Elle se parait, au gré de la lente course des nuages, de nuances oranges ou dorées qui tranchaient avec leur turquoise habituel. Assis sur une chaise de paille dans un coin de la pièce, leur hôte lisait un épais livre, dont la couverture en cuir gaufré laissait imaginer la valeur inestimable des mots qu'il contenait. Il tourna une page avec précaution, continua à parcourir le texte. À ses côtés, une étagère remplie d'ouvrages anciens et écornés couvrait le mur, lui assurant de la lecture pour aussi longtemps que durerait la convalescence de Pixx.
De l'autre côté de la chambre, le blessé était allongé sur un lit de fortune, les yeux clos et la respiration difficile. Il gémissait dans un sommeil tumultueux, en proie à de mauvaises visions ou à un cauchemar pénible. La sueur gouttait de son front jusque sur le drap de chanvre qui accueillait son corps martyrisé. Zalma lui avait passé à plusieurs reprises un tissu imbibé d'eau fraîche sur le visage, pour tenter de soulager sa fièvre supposée. Néanmoins, il ne s'inquiétait plus de ses lamentations étouffées. Il avait noté une nette amélioration depuis la nuit précédente : son agitation se taisait peu à peu, et son visage retrouvait des couleurs plus chaudes, sans avoir besoin du feu continuel de Dusack. Le sang refluait à nouveau dans son corps de façon régulière.
Un air frais passa sur le visage du jeune homme endormi et le tira de sa léthargie tandis qu'à ses oreilles parvenait le brouhaha d'une lointaine conversation animée. Il jura dans un demi-sommeil puis se tourna dans son lit à la recherche d'une position confortable.
— Bon retour parmi nous, murmura Zalma en lui jetant un regard par-dessus son livre.
Il voulut se redresser, mais la douleur dans son crâne l'en empêcha. Le souffle coupé, il porta une main à son ventre et sentit un bandage sur sa plaie. Il grimaça, se laissa retomber sur le traversin de laine qui calait son dos, puis cilla plusieurs fois avant que sa vision ne devienne nette et ne s'accoutume à la lumière.
— Doucement, reprit la voix de l'aédelfien. Tu es encore faible.
— Où sommes-nous ? geignit-il, amorphe. Que s'est-il passé ?
Zalma referma son livre dans un claquement sec et posa un regard affectueux sur son jeune camarade de voyage, avachi sur sa paillasse. Il attendit quelques instants qu'il reprenne ses esprits avant de se lancer :
— Tout va bien, ne t'inquiète pas. Tu as perdu connaissance peu après que Dusack ait décidé de jouer les héros en te portant. Ensuite, nous avons fait notre maximum pour te protéger. La nuit dans les Échardes fut difficile, il a dû se maintenir éveillé pour s'assurer qu'il t'insufflait une chaleur constante. Et, pour être honnête, il m'a aussi aidé à ne pas mourir de froid dans ce labyrinthe gelé. Quoi qu'il en soit, tu peux le remercier. Il t'a sauvé la vie.
La mâchoire de l'alité se décrocha de stupéfaction et d'incrédulité. Il resta bouche bée, ses yeux noisette grands ouverts, comme si la situation lui échappait. Le Dusack qu'il commençait à connaître, froid et distant, avait veillé une nuit entière pour le protéger ? Un comportement qui ne lui ressemblait guère. Il y songea un moment tout en cherchant inconsciemment à glisser sa main sous le pansement de son abdomen, pour vérifier sa marque.
Zalma poursuivit sans s'inquiéter de l'étonnement de Pixx :
— Une fois sortis des Échardes, nous avons trouvé ce petit bourg à l'orée de la forêt, et décidé de nous y rendre sans réfléchir. Coup de chance, ou coup du sort, une Céleste (1) était sur place. Elle a pris le relais de Dusack et a guéri tes blessures. Bon, par contre, tu pourras le constater par toi-même, elle n'est pas...
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...