À découvert, debout dans le petit ruisseau qui faisait mille détours au milieu du village, Zalma fut aussitôt pris pour cible par les hommes des Échardes. Ils avaient vite compris qu'il était à l'origine de ces soudaines vagues dignes d'une mer agitée. Il sortit de l'eau et esquiva une aiguille de foudre par réflexe au moment où une volée de flèches tombait tout autour de lui. Une pointe d'acier se ficha dans son épaule, lui arrachant un cri de douleur. Il chancela et, comme soûl, parvint à s'abriter derrière une maison en ruines, avant de tomber à genoux. À ses côtés, de nombreux cadavres mutilés d'hommes et enfants moins chanceux jonchaient déjà le sol, éparpillés entre les bâtiments.
Les rebelles indemnes profitèrent de cette visibilité retrouvée pour riposter avec plus ou moins de précision. D'autres traits fusèrent alors que certains hésitaient à se jeter dans la mêlée pour poursuivre la bataille au corps à corps. Deux archers proches de la bordure de la forêt furent touchés et tombèrent dans la poudreuse.
— Boucliers ! ordonna l'un des soldats en armure lourde en réponse à ce revirement de situation.
Il y eut un flash lumineux intense, qui recouvrit tout d'un blanc éclatant. Tous les acteurs du combat furent aveuglés pendant plusieurs secondes. Puis l'image revint, et les rebelles purent découvrir avec horreur qu'une aura cristalline enveloppait dorénavant la dizaine de soldats cuirassés. Ce rempart de pure énergie faisait écho au dôme qui avait repoussé leurs récentes attaques de trébuchet. Comme une imitation perfide des techniques ennemies pour mieux les prendre à leur propre jeu.
En rangs serrés, épées levées, ils se mirent à marcher vers les premières maisons, déterminés à raser La Gravelle. Derrière eux, les sorciers avaient cessé leurs assauts. Ils s'étaient assis en tailleur à même la neige et avaient joint les mains pour mieux canaliser leur pouvoir protecteur. Les archers survivants formaient un cercle autour d'eux pour les défendre.
À nouveau, l'armée maintenait sa supériorité stratégique avec une facilité déconcertante.
Une flèche fila depuis la fenêtre d'une chaumière. Elle rebondit contre le bouclier déflecteur d'un des soldats et s'écrasa dans l'herbe brûlée. Refusant de céder à la panique, un rebelle téméraire s'avança près d'Isélia et leva le bras. Sur sa paume se forma une stalactite de glace de la taille d'un arbuste. Aussitôt, il la lança comme un javelot. Elle fendit l'air en semant des cristaux de givre derrière elle. À la stupeur générale, la lance improvisée se disloqua à l'impact en un flot de particules bleutées.
Leurs tentatives étaient devenues inefficaces. L'étau se resserrait autour d'eux.
Un remous de frayeur secoua les rangs, puis fit place à une détermination courageuse. L'anxiété se mua en une colère palpitante.
Quelqu'un aboya un ordre sec.
Des rebelles audacieux, presque fous, se ruèrent alors à l'attaque en hurlant à gorge déployée, telle une marée de fer et de cuir. Les épées brandies s'entrechoquèrent dans un éclair d'acier. Des fracas métalliques s'ensuivirent, puis des jurons éclatèrent. Les étincelles volaient au rythme des parades. Chaque impact contre les boucliers ou lames adverses engendrait de lourdes notes funèbres. Comme si déjà sonnait le glas de leur vaine résistance. À mesure que l'air se chargeait d'une ignoble odeur de mort et de viande transpirante, des corps tombaient sur la terre molle, des cris fusaient ; le carnage devenait épouvantable.
Dans le même temps, Isélia banda son arc jusqu'à sa pommette. La flèche se nimba d'une lueur opaline. Elle décocha. Un Sifflement. Tout aussi inutile. Le projectile mourut dans l'herbe sans avoir fait le moindre dégât sur la carapace magique des soldats. Ils continuaient d'avancer d'un pas impétueux, comme si rien ne pouvait les arrêter. Sur leur passage, ils tranchaient têtes et bras qui roulaient à terre au milieu de gerbes de sang. Leurs épées démesurées déchiraient parfois les ventres, d'où pendaient des grappes d'entrailles fumantes.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...