Son cœur rata un battement, avant de repartir à coups précipités.
— Tu auras toutes les explications que tu veux si tu nous sors de là. Oublie tes Éléments. Oublie ton épée. Tout ce dont tu as besoin, c'est de ta peau. Va ! Sauve-nous avant qu'il nous éviscère tous !
Il se retourna ; son regard affolé passa de cadavres en cadavres, survola le Paladin toujours agonisant puis se planta finalement sur Dusack, qui gisait au sol, la brigandine pleine de sang. Les deux plus puissants guerriers en présence n'étaient plus en état de continuer le combat. Leur image se grava en son âme comme un cauchemar ; un atroce rappel à la réalité. Comme si la fin du monde avait frappé, tout n'était plus que désolation, ruines et désespoir. Et Taïka bondissait encore au hasard, portait partout le ravage et l'effroi dans une averse de poison, sans faire de distinction entre les deux camps.
— Concentre-toi, Zalma ! hurla Isélia en lui secouant le bras.
Il serra à nouveau la poignée de son épée mais resta figé sur place. Transi par la peur. Un chapelet de jurons des mieux sentis s'échappa de la bouche de la jeune femme. Les mots passaient dans son crâne, s'assourdissaient, s'emmêlaient en un charabia incompréhensible. Il voulut balbutier quelques justifications mais ne put articuler le moindre mot. Tout à coup, une silhouette massive s'élança sans réfléchir à côté de lui. Thronar leva son marteau au-dessus de sa tête et chargea malgré les multiples flèches enfoncées dans sa cotte de mailles. Il abattit son arme sur la bête avec une force titanesque. D'un bond souple et fluide, elle esquiva sans peine. Ses pattes s'enfoncèrent dans la neige molle, puis elle se propulsa en avant.
— Zalma !
Les griffes de Taïka crissèrent contre la tête du marteau que Thronar avait tout juste eu le temps de mettre en opposition après son attaque manquée. Entraîné en arrière par la puissance de la charge, le rebelle pivota dans sa chute et parvint à se réceptionner sur le flanc. Il roula sur le côté pour se dégager puis se releva en étouffant un cri.
— Fais quelque chose, putain ! s'époumona-t-elle encore. Pour la rébellion ! Pour Ranks !
Un seul mot. Un seul prénom. Et tout bascula en un souffle. Un frisson parcourut l'échine de l'aédelfien tandis que sa peur se muait en colère. Une colère étouffée, dévorant ses entrailles et enserrant son cœur depuis trop longtemps. La colère qu'il cachait depuis toujours derrière le masque de l'amitié.
Cette sainte colère dont lui parlait si souvent son frère. D'ordinaire réprimée avec soin, elle sourdait désormais en lui, d'une violence inouïe.
« Rien ne pourra l'apaiser sinon la vengeance, Zalma. »
Il repoussa Isélia d'un roulement d'épaule. Fit un pas en avant. Puis un autre. Son regard se para d'une détermination terrifiante, à l'opposé de sa gaieté habituelle. Il fit tourner son épée entre ses doigts agiles, puis trancha sa propre armure de fourrure sur toute la longueur de son bras gauche. Un bras habillé de pierres des dieux. Rutilantes et lisses comme si elles avaient été polies des jours durant, elles recouvraient presque intégralement sa peau. La nuit s'illumina du scintillement turquoise qu'elles libéraient.
Un étrange grognement sortit de la gueule de Taïka. Bientôt ses yeux d'émeraude oublièrent Thronar et se fixèrent sur l'aédelfien, qui venait de jeter son épée toute sanglante. Il avançait d'un pas lourd et bruyant. Ses muscles frémissaient d'impatience. Lui aussi semblait possédé par un mauvais démon, tant il était passé de la peur à la colère en l'espace d'une seconde. Il s'arrêta un moment, prononça quelques mots dans une langue que lui seul connaissait. Le poison rebondissait contre les pierres incrustées dans sa peau. Elles semblaient lui accorder une protection divine, un bouclier impénétrable. Soudain, son pied pivota sur son talon, puis il fondit sur la bête avec fureur. Profitant de sa confusion, Thronar se jeta sur elle au même instant et l'immobilisa au sol de tout son poids, le marteau appuyé contre sa gueule.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...