Bien loin de penser qu'il était désormais armé d'une épée de légende, Dusack avança à travers les décombres de l'Épine. La brume tourbillonnante s'écartait à chacun de ses pas. Sur la plaine, des carcasses de sangliers rôtis tout entiers s'accumulaient par endroits telles les reliques du dernier festin avant la chute. Et partout des armes abandonnées jonchaient le sol, de même que des flèches perdues, des boucliers fendus et des casques écrasés. Aux alentours, les tours de guet des rebelles étaient en ruines. Elles côtoyaient des restes de ronces, jadis majestueuses, véritables protectrices des lieux, aujourd'hui devenues simples tiges fanées, ensanglantées, déchirées. La magie de Caprice n'opérait plus, ni sur la muraille, ni au cœur de l'Épine. Rien n'avait été épargné. Hommes, bâtiments, végétation, tout était souillé de sang déjà sec et noir. La terre porterait longtemps encore les stigmates de la bataille ; la plaine entière était comme éventrée. Mais Dusack la traversa sans y prêter attention, comme si plus rien ne pouvait l'impressionner. Il arriva bientôt à flanc de montagne, près de la tente où Zaak était retenu prisonnier. Deux rebelles montaient la garde à son entour, pour empêcher toute intrusion indésirable. Il les salua d'un bref hochement de tête, l'un le gratifia d'un signe de la main distrait, l'autre d'un mouvement du menton presque imperceptible.— Tout va bien, ici ? lança-t-il.
— Ben oui qu'ça va bien ! rétorqua l'un des rebelles en levant les bras au ciel. Y s'passe rien, ici. La cheffe nous a mis là mais y'a pu rien à craindre, moi j'vous l'dis qu'on serait plus utiles ailleurs ! Vous devriez lui dire, vous !
Même s'il n'y avait plus d'ennemis à l'horizon et si ledit prisonnier était fort blessé, la nouvelle meneuse avait en effet décidé de le faire surveiller sans interruption : son rang le rendait si précieux qu'aucun risque ne pouvait être couru.
Si Zalma s'était illustré lors de la bataille, c'était bien Isélia qui avait pris cette décision, contrairement à ce qu'aimait raconter Dusack à tout un chacun. Thronar, devenu aveugle par les griffes de Taïka, avait préféré laisser sa place malgré son statut de bras droit du défunt Aräck. Aussi Isélia assurait-elle le commandement des opérations, au moins de façon temporaire, jusqu'à ce que les derniers survivants quittent l'Épine et choisissent un nouveau chemin. Peut-être Dusack ne le savait-il pas. Ou peut-être ne voulait-il pas l'accepter.
— Je peux ? demanda-t-il en désignant l'entrée de la tente.
— Allez-y, répondit l'autre rebelle, qui rabotait un petit morceau de bois calé entre ses jambes. Isélia vient de passer le voir, alors je pense qu'il est tout à vous, maintenant !
Il jeta un regard non loin, vers un petit chemin coincé entre un versant à-pic de Fracture et un bois de ronces épargné par les combats. Là-bas, légèrement à l'abri des regards, Isélia y flânait avec Zalma. Lui marchait à reculons devant elle, les mains croisées derrière la nuque, un large sourire sur le visage. Elle, qui avait abandonné toute arme, marchait à petits pas et prenait le temps d'observer la nature, le jeu des rayons du soleil qui perçaient le feuillage. Tout ce qui pouvait paraître insignifiant semblait prendre de l'importance à ses yeux. Ils avaient l'air heureux, presque épris l'un de l'autre à première vue tant ils allaient avec une insouciance étonnante, comme si déjà ils narguaient le tumulte de l'après-guerre.
Dusack les regarda un instant à son tour. Il serra les dents devant pareil spectacle. Un mépris dédaigneux gonfla ses narines. À l'évidence, voir son ami folâtrer de la sorte l'agaçait au plus haut point. Enfin, il se détourna et se concentra de nouveau sur ce pour quoi il était venu.
— Je ne serai pas long, messieurs. Veillez à ce que personne ne nous dérange.
Sous les yeux impassibles des deux rebelles, il s'engouffra sous la tente et fit retomber le pan de toile derrière lui.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...