La Vengeance de Ranks - partie 7

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Quand Zalma rouvrit les yeux, des larmes perlaient à ses cils. L'évidence l'avait frappé. Il était faible. Trop faible pour protéger Isélia. Trop faible pour protéger qui que ce soit. Bien trop faible pour engager un quelconque combat contre Alacanth. Il devait fuir à son tour. Et il n'avait aucune idée d'où se trouvait Utopie, maintenant. Il ne pouvait qu'espérer. Espérer que tout aille pour le mieux pour eux. Espérer dans un monde où l'espoir n'était plus présent depuis longtemps. Il serra les dents puis essuya ses larmes d'un revers de manche. Il ne devait pas se laisser submerger par l'émotion. Pas maintenant.

Juste devant lui, Alacanth pouvait le réduire en bouillie sans même s'en apercevoir. Alors l'aédelfien souffla, puis il voulut se lancer vers la ruelle où son cheval avait fui, mais tout à coup une ombre arriva dans son dos. Un soldat. Le soldat qu'il avait déjà vu l'instant précédent. Il passa devant lui en courant. Et même si on le devinait gêné et ralenti par sa lourde armure, il fonça vers la bête en brandissant son épée. Une épée reconnaissable entre toutes. À la fine lame aux reflets d'émeraude. Une épée empoisonnée. Lorsqu'il comprit, Zalma pâlit de terreur ; il voulut hurler de toutes ses forces mais déjà l'arme s'abattait sur la patte avant d'Alacanth dans un bruit mat. Seuls quelques poils noirs s'envolèrent dans tous les sens ; la peau de la bête avait absorbé le choc sans broncher. Un grognement caverneux se fit entendre. La queue fouetta l'air. Et aussitôt la patte se leva, prête à frapper et trancher l'audacieux soldat en deux. 

— Non !

Zalma eut un geste de la main ; ses Éléments brillèrent d'une lueur azur. Une masse d'eau jaillit alors du néant et déferla sur la gueule de la bête avec une telle violence qu'elle en fut toute aveuglée. Elle recula d'un pas, secoua la tête, s'ébroua en répandant de l'écume tout autour d'elle tandis que le soldat battait en retraite vers l'aédelfien, conscient de son impuissance.

— Est-ce que ça va ? Qu'est-ce que tu fous, Pixx, merde !

Le soldat arracha son casque et le jeta dans la boue ; le visage hébété du blondinet apparut.

— Je... Je ne sais pas. Je croyais que je pouvais... Où est Isélia ?

La jeune femme avait prévenu qu'il serait plus téméraire suite aux événements survenus à l'Épine. Mais peut-être pas au point de charger aveuglement un monstre dix fois plus grand que lui. Zalma s'approcha, l'attrapa par les épaules pour le forcer à lui faire face et à le regarder dans les yeux.

— Il faut fuir, Pixx, merde ! Nous ne sommes pas des héros ! Tu m'entends ? Tu n'es pas un héros, Pixx ! Tu veux vraiment finir comme Dusack ? Fuis au lieu de vouloir mourir pour une gloire éphémère !

— Je ne suis pas un héros ? répéta-t-il, sans vraiment l'accepter tout-à-fait. 

Le grondement d'Alacanth les ramena à la réalité. La vague de l'aédelfien leur avait permis de gagner quelques secondes, mais il en fallait bien plus que ça pour l'arrêter. Un signe de tête commun suivit. Puis les deux compagnons se ruèrent au-delà de l'angle de la première maison et s'engouffrèrent dans la ruelle qui se présentait. Et ils coururent. Ils coururent longtemps sans regarder en arrière. Ils coururent sur les pavés inégaux ou la terre battue, au milieu des détritus ou du bétail errant, à travers des nuages de fumée ou des ruisseaux d'eau sale. Le souffle rauque de la bête poursuivante, entravée dans sa course par la lance de glace de Solafein, s'étirait au-dessus d'eux. Ils tournèrent à l'angle d'une bâtisse minable, filèrent à travers une nouvelle venelle étroite, tortueuse, empestant le rat crevé. Ils fuyaient sans savoir où trouver le salut. L'idée de se cacher à l'intérieur de la première maison venue leur traversa l'esprit. Peu à peu ils ralentirent l'allure. Puis s'arrêtèrent d'un même mouvement pour reprendre haleine. 

Taïka - Les Brèches du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant