Le survivant aédelfien - partie 2

1.6K 234 140
                                    

Sérénité s'éveillait devant les deux jeunes hommes. 

Partout la neige s'était effacée pour laisser place à une verdure des plus vives et agréables, comme si, derrière eux, Selm était piégé dans un écrin glacial. À la place, des arbres aux bourgeons à peine éclos s'élevaient dans toutes les directions et conféraient au paysage une beauté remarquable, bien que complètement désorganisée. Les champs de fleurs étaient légion aux pieds de ces mêmes arbres, ils étincelaient de mille couleurs et nuances.

Pixx enjamba un petit cours d'eau sans nom, peu profond et de très faible débit. Il entaillait le sol et se traînait difficilement vers le sud, en zigzaguant entre racines et plantes à l'aspect fort étrange, aux tiges allongées à l'excès, aux feuilles découpées comme des dentelles ou aux corolles ornées de tentacules.

Le jeune homme prit une profonde inspiration - au risque de se geler les poumons -, puis continua de contempler la vue face à lui. Il aperçut quelques animaux qui se baladaient ici et là, de buisson en buisson, et donnaient de l'ampleur à la vie alentour. Plus loin, de minuscules bourgs, parfois des chaumières uniques, constellaient la plaine. Dans les étendues verdoyantes entourant les maisons, véritables havres de bien-être et de paix, des enfants criaient, couraient et jouaient dans une insouciance parfaite. Des bûcherons s'activaient et saluaient les deux jeunes hommes lors de leur passage, alors que des vieilles dames farfouillaient près des troncs couverts de mousse et de lichens. Elles y cherchaient des champignons ou des herbes pour relever leur cuisine. 

Sérénité portait bien son nom, elle respirait la tranquillité et son atmosphère champêtre aurait presque pu faire oublier l'instabilité de la péninsule.  

Sulva (1) brillait à l'horizon mais ne parvenait pas à réchauffer le fond de l'air. Pixx claqua des dents en regardant les montagnes de glace qui se dressaient à l'est. Fracture isolait le nord-ouest de la péninsule et obligeait les voyageurs à la contourner ; seul un inconscient aurait entrepris de gravir ces volcans givrés. Les plus téméraires pouvaient toujours emprunter la Percée d'Alacanth, l'unique passage au relief plus clément de la chaîne de montagnes, mais ils s'exposaient aux rebelles qui défendaient les lieux et empêchaient les soldats royaux de rejoindre leurs terres trop facilement. Les objectifs de Dusack semblaient de toute façon bien différents. Il progressait vers le sud sans se préoccuper des volcans, comme si rejoindre Aredhel ne figurait pas parmi ses priorités. Derrière lui, Pixx hâtait le pas en silence.

Soudain, alors que Selm ne ressemblait plus qu'à une vague forme à l'horizon, Dusack s'arrêta net. Il inspecta les environs d'un rapide coup d'œil et s'assura que personne n'était trop proche d'eux. Il s'adossa, comme à son habitude, contre un énorme rocher bordant le chemin qu'ils suivaient sans mot dire depuis de longues minutes. Il regarda son compagnon avec insistance, sourcils froncés. Pixx se figea, le souffle court. Les secondes s'égrenèrent, interminables. Dusack finit par lâcher d'une voix âpre :

— À quoi joues-tu ?

Comme Pixx le craignait, les premiers mots de Dusack n'étaient pas des plus chaleureux. Du regard, il chercha une échappatoire.

— Je n'ai pas besoin de toi, poursuivit l'homme en se forçant à garder un ton mesuré. Je ne t'ai jamais vu manier une épée. Tu n'as pas d'Eléments. Tu n'as aucune capacité en négociation ou infiltration. Tu n'as aucun contact à Aredhel. Tu ne peux rien m'apporter et je ne comprends pas ce que tu pourrais tirer d'une telle mission. Pourtant, tu as accepté. Et te voilà à me suivre comme un clébard. À quoi joues-tu ?

Pixx baissa les yeux. Son regard se perdit dans le chemin rocailleux. Dusack s'avérait plus loquace que ce qu'on racontait à Selm. Ou alors, peut-être voulait-il simplement s'assurer des intentions de celui qui l'accompagnait. 

Taïka - Les Brèches du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant