Le Fléau de l'Épine - partie 2

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Un long moment de flottement s'installa, où chacun hésitait quant à l'attitude à adopter. Les hommes se regardèrent les uns les autres, incrédules et encore éberlués par ce qu'ils venaient de voir.

— Baissez vos armes ! ordonna enfin Aräck. Ça n'en vaut plus la peine. 

Thronar abaissa son marteau et le fit pivoter dans sa main, avant de souffler de ses narines proéminentes. À contrecœur, il appuya les dires d'Aräck : 

— Guerriers, écoutez votre chef ! Baissez vos armes ou vous mourrez. Il n'y a plus rien à faire. 

Après un bref instant de réflexion, tous s'exécutèrent à tour de rôle. S'ils avaient pu nourrir un maigre espoir de victoire tant que leur muraille tenait, ils devaient désormais accepter l'évidence. La bataille était perdue. L'Épine était perdue. Et la rébellion allait s'éteindre pour de bon. Nul ne pouvait défaire un Paladin en combat direct. Lutter eût été inutile, et plus personne n'en avait le moindre désir. Trop de cadavres s'entassaient déjà tout autour d'eux. 

Zalma hésita, jura, s'énerva intérieurement tout en serrant son épée avec fermeté. Il n'avait qu'une envie : se jeter sur son ami pour lui porter secours. Mais il savait très bien que le moindre mouvement suspect ou la moindre tentative allait déclencher un ultime massacre. Massacre duquel les rebelles survivants n'avaient aucune chance de sortir victorieux. 

— Vous vous êtes vaillamment battus, reprit Aräck en avançant vers l'ennemi. Je suis fier de vous. La rébellion est fière de vous ! Mes glorieux enfants. Jamais votre dévouement n'aura été chose inutile. Croyez-moi, viendra le jour où vos noms résonneront avec fracas aux quatre coins de la péninsule.  

Zaak coucha son épée encore fumante de magie dans son fourreau. 

— Alors c'est toi, le fameux Arä...

Il ne put finir sa phrase, interrompu par la voix de son vis-à-vis :

— Les dernières flammes de la rébellion s'éteignent avec cette bataille. Pleurez vos morts. Pleurez-les. Priez pour eux ou honorez-les de la manière qu'il convient. Mais gardez à l'esprit que de leurs cendres naîtront des générations nouvelles. Des générations nouvelles qui verront que notre Histoire n'est que sang versé et injustice. La rébellion meurt peut-être aujourd'hui, mes enfants. Mais regardez l'avenir avec confiance. Car vous le savez très bien...

Il se retourna vers ses hommes, un sourire rassurant aux lèvres. 

— ... le combat ne sera jamais terminé. 

— As-tu donc fini ton discours creux comme un radis, vieux débris ? s'emporta Zaak. Il n'y aura pas de génération future. Votre insurrection se termine aujourd'hui, à jamais. Nous aurions même pu éviter ce bain de sang si tu n'avais pas envoyé tes stupides...

— Qu'est-ce que tu as fait à mon fils, petite merde ? coupa à nouveau Aräck de sa voix tonnante.

Sur ces mots, il lança un regard à Dusack, toujours au sol, incapable de bouger. Puis, il replia avec précaution deux doigts vers sa paume, comme s'il testait leur usage. Le dos de sa main, moucheté de sang, se mit à luire d'une froide lueur mauve. 

— Ton fils semble avoir hérité de ta connerie, je lui ai donc appris ce qu'il en coûte de...

Un vent invisible se leva soudain, s'entortilla autour de l'armure de Zaak, puis vint le gifler avec violence, le coupant une fois de plus dans son élan. Il tituba et, comme soûl, manqua de tomber sur le côté. Quelques rires moqueurs partirent des deux camps. 

Taïka - Les Brèches du DestinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant