NDLA : Ce chapitre est beaucoup trop long et sera séparé en deux lors de la phase de corrections/modifications.
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Impressionné par sa carrure et les blessures de son visage qui le rendaient plus intimidant encore, le jeune homme chercha du soutien dans le regard des autres puis balbutia une réponse à peine audible.
— Approche, mon enfant, reprit le rebelle.
Même si Isélia ne lui avait rien dit à ce sujet, il ne pouvait s'empêcher de penser que c'était peut-être lui, lors de sa perte de contrôle, qui lui avait causé lesdites blessures. À raison. Incapable de deviner pourquoi un rebelle de si haut rang aurait un message pour lui, il hésita d'abord ; puis s'exécuta tout de même en s'approchant à pas lents.
— Voilà, je suis là, ne put-il s'empêcher de dire bêtement, de peur que le rebelle aveugle attende en vain.
Là, Thronar se racla la gorge dans un bruit fort, puis se pencha en avant et murmura à son tour, suffisamment bas pour que Pixx seul l'entende :
— Excuse ma piètre mémoire, ce ne sera sûrement pas très fidèle. Mais je vais faire de mon mieux. « Son père n'est pas mort. Il rôde quelque part dans l'ombre et continue de veiller sur nous. J'aurais aimé lui dire. Mais j'ai promis à Mateus de le faire passer pour mort. Tu sais, je l'avais envoyé à Aredhel en lui disant que c'était pour aider Dusack. Comme si Dusack avait besoin d'aide... Je voulais juste le mettre sur une piste, sans faillir à ma promesse. Un gosse mérite la vérité, non ? Mateus n'a pas fait beaucoup d'erreurs dans sa vie. Mais celle-là est manifeste. Je suis sûr que cet idiot regrette sa décision chaque jour un peu plus. »
Comme il parlait, la mâchoire de Pixx se décrocha et resta pendante. Il avait peine à croire ce qu'il entendait. Mille questions se présentèrent à son esprit. Thronar se redressa mais poursuivit à voix basse :
— C'est à peu près ce qu'Aräck m'a dit sur toi, le jour de votre arrivée à l'Épine. Ne demande pas. Je n'en sais pas plus. Mais je suis d'accord avec lui, je pense qu'un parent doit la vérité à son enfant, fût-elle dure et haïssable. Pour ma part, je n'ai fait de promesse à personne. Alors je me permets de te le dire. Aräck aurait voulu que tu aies tes réponses. Va. Va à Aredhel, mon enfant. Quelque chose ou quelqu'un t'attend là-bas.
Pixx cligna des yeux à plusieurs reprises pour réprimer son émotion. Les gouttes de pluie accumulées sur ses cils giclèrent de tous les côtés.
— Mateus ?... Mateus est le nom de mon père ? Et il est vivant ?
Un sanglot lui brisa la voix, ses yeux se remplirent de larmes. Le sol lui sembla se dérober sous ses pieds. Il porta sa main à sa bouche et mordit son index replié, geste enfantin qui lui était habituel autrefois. Son cœur se gonfla à l'étouffer et se remplit bientôt de rêves et d'espoirs inattendus.
— Qui est Argën, alors ? ajouta-t-il de sa voix tremblotante.
Sur ces mots qu'il ne pouvait pourtant pas entendre, Dusack caressa le pommeau de son épée, comme si le destin se jouait d'eux en agitant sous leur nez des indices invisibles à leurs yeux. Le visage du jeune guerrier ruisselait de pluie. L'orage se déchaînait avec une violence croissante.
— Je n'en sais pas plus, mon enfant.
Vacillant, Thronar demanda du soutien à son escorte, qui s'empressa de venir l'aider. Au-delà de ses blessures au visage, il n'avait pas encore retrouvé sa vigueur et paraissait tout affaibli, tant physiquement que mentalement. Taïka l'avait laissé anéanti. Pixx l'avait laissé anéanti.
— Nous enterrons les derniers morts et nous partons à Selm, répéta-t-il à haute voix, pour que tout le monde l'entende. Nous ferons parvenir un message à la rébellion d'Aredhel pour vous tenir informé de la situation. Puisse le destin vous ramener sains et saufs dans nos contrées.
Visiblement épuisé, il pria son guide de l'emmener à l'abri. Bientôt tous deux s'éloignèrent à petits pas.
— Alors, ils disaient la vérité, se marmonna Pixx à lui-même. Ils disaient la vérité sur son... sur leurs noms.
« Mateus et Erra Backlash, tes parents... étaient des valeureux rebelles. »
Et tout de suite, les mots du défunt Aräck cognèrent au fond de lui, comme un appel, l'appel qu'il attendait depuis toujours, cet appel destiné à le guider, à le rassurer, à le réconforter.
« Tu sais, je l'avais envoyé à Aredhel en lui disant que c'était pour aider Dusack. Comme si Dusack avait besoin d'aide... Je voulais juste le mettre sur une piste. »
Et tandis que la pluie battait son visage et se mêlait à ses larmes, il resta immobile un moment, perdu dans ses pensées, les yeux fixés sur un point invisible. Puis quelque chose changea dans son regard. L'émotion se mua en détermination rageuse. Il serra les dents pour tenter de mettre à distance son bouillonnement intérieur, puis se retourna vers ses amis.
Au même instant, le rebelle missionné par Isélia arriva en tirant par la bride deux chevaux apprêtés. L'un de ses compagnons le suivait avec Utopie, dont la robe mouillée luisait comme une cape de soie. Un troisième homme fermait la marche en portant une malle de bois noir, d'où s'échappaient les rayons multicolores des Éléments qu'elle contenait. Le moment du départ était arrivé. D'un geste autoritaire, elle ordonna aux palefreniers d'attendre, d'un autre, elle somma le dernier homme de déposer le coffre sur le côté, puis elle s'empressa d'aller fouiller à l'intérieur. Mais plutôt que d'en sortir les Éléments de Dusack, elle n'en tira qu'une petite épée à la garde incurvée. Un soupir s'échappa de ses lèvres. Une question la préoccupait bien plus qu'elle ne voulait se l'avouer. Elle se tourna vers le rebelle le plus proche :
— Va me chercher mes armes ! Et sors le Paladin de là. Nous partons.
Elle se releva, se retourna et s'approcha de Pixx d'un pas décidé. Elle attendit une seconde devant lui, puis, d'un geste très doux, comme une mère ferait à son enfant, elle dégagea les cheveux collés sur son front. Mais l'enfant qu'il était jusqu'alors venait de mourir. Et sa volonté désormais indéfectible se lisait dans le regard qu'il attacha sur elle.
— Pixx... On ne veut pas profiter de toi, mais ton aide nous serait très précieuse à Aredhel. D'autant plus avec Zalma à nos côtés pour endiguer ton pouvoir tant que tu ne le contrôles pas. Mais si tu veux aller pleurer tes morts à Selm ou partir de ton côté en quête de ton poseur de Sceau, vas-y. Je ne t'obligerai à rien. Le choix est tien.
Là, un éclair stria le ciel et baigna l'Épine de son éclat métallique, puis une détonation secoua le flanc de Fracture.
— C'est à toi, conclut-elle en lui posant la poignée de l'épée au creux de la paume. Je l'ai récupérée dans les ruines de la chaumière que tu... que Taïka a détruite.
Le jeune homme eut un moment d'hésitation, puis il admira l'épée, cette épée qu'il avait reçue des mains d'un rebelle avant la bataille. Un rebelle que Taïka avait emporté dans sa fureur. Avec sa garde ornée de gemmes et sa lame ciselée sur laquelle ondoyaient des reflets émeraude, comme si le poison stagnant s'était incrusté à l'intérieur, elle semblait avoir été forgée pour sa main. Parfaitement équilibrée, l'arme était comme un prolongement naturel de son bras. Il serra sa poignée. La poignée de son épée, désormais, tout comme Dusack avait adopté Souffrance. Ses muscles frémirent d'impatience et son Sceau s'illumina d'une lueur verdâtre inquiétante. Faisant fi de l'orage qui devenait effroyable, il plongea ses yeux dans ceux d'Isélia. Son regard noisette brillait d'une intensité qui ne lui était pas habituelle.
— Je ne sais pas si c'est pour ébranler un royaume. Mais je suis sûr d'une chose. Je viens à Aredhel avec vous ! En route !
Un sourire en guise de réponse. Un sourire franc et authentique. Car à cet instant, Isélia était loin de se douter que cette décision de Pixx venait non pas de sceller leurs destins respectifs, mais au contraire de les fissurer.
C'était en l'an 127 après l'avènement d'Azgaröth. Une nouvelle ère s'ouvrait devant la péninsule. L'ère la plus sombre et sanglante que le royaume n'avait jamais connue.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasy« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...