L'acier pesait peut-être lourd sur leurs épaules, mais Pixx et Dusack avançaient à bon rythme vers les premières bicoques du faubourg d'Aredhel. Ils portaient l'armure classique des soldats du royaume. D'un gris de tempête, elles étaient moins rutilantes et moins riches que celles des gardes d'élite du château, dépourvues de tout ornement ou chamarrure, mais à l'épreuve du tranchant. Les bosses et éraflures qui les ornaient en témoignaient.
— Je tenais à te remercier, lança le blondinet.
Il avait l'air vaguement ridicule dans cette armure trop grande et trop pesante pour lui. Il peinait même à marcher droit à cause de la visière de son casque qui lui descendait sur le nez. Mais il en aurait fallu plus pour entamer sa détermination nouvelle.
— Me remercier ?
À l'inverse, l'armure de Dusack lui seyait presque autant que sa brigandine, il supportait son poids sans ciller. Il avait beau dire qu'il détestait cette tenue tant elle était inconfortable, son rôle de soldat lui collait à la peau. Il menait Utopie par la bride en le flattant de temps en temps sous le poitrail. La bête avait les oreilles couchées en arrière, un signe qui ne trompait pas. Elle avait bien senti que quelque chose n'allait pas.
— Oui. Merci de m'avoir sauvé la vie, dans les Échardes Givrées. Je serais mort de froid sans toi. Tout s'est enchaîné si vite après ça que je n'ai jamais eu le temps de te remercier proprement.
Il disait vrai, entre l'attaque de La Gravelle, la Bataille de l'Épine, l'éveil d'un pouvoir fabuleux dont il n'avait aucun souvenir et les révélations de Thronar sur son père, il n'avait guère eu le temps de parler posément avec ses camarades de voyage. D'autant plus avec Isélia qui lui rappelait sans cesse qu'il devait s'occuper de son Sceau en urgence.
— Et tu attends qu'on soit déguisé en soldats, en marche vers un inconnu chaotique, pour me dire ça ? Tu es surprenant, Pixx.
Il le couvrit d'un regard attendri, presque paternel, tandis qu'Utopie avait un hennissement terrible, aux airs de supplique. Une rapide caresse à l'encolure ne l'apaisa qu'en partie.
— Si on m'avait dit, à notre départ de Selm, que tu marcherais à mes côtés en arrivant à Aredhel, avec de telles intentions, je ne l'aurais jamais cru. Et pourtant, te voilà. Plus déterminé que jamais. Épée au côté. Et possédant apparemment un pouvoir hors du commun. Je me demande ce que j'ai manqué, pendant ces quelques jours.
Beaucoup de choses, aurait-il pu répondre. Car si Dusack avait bien entendu qu'il avait hérité d'un pouvoir que peu parvenaient à expliquer, il ne l'avait jamais vu de ses propres yeux. Inconscient durant toute la bataille de l'Épine, il s'était contenté d'écouter d'une oreille distraite les récits des uns et des autres. Sans vraiment y croire. Ni y accorder d'importance particulière. Pour lui, Pixx restait cet enfant fébrile, perdu dans un monde qu'il ne connaissait pas. Il ne voyait pas comment, en si peu de temps, il aurait pu changer à ce point, devenir vaillant ou, plus fou encore, terrasser un Paladin. À ses yeux, un homme ne pouvait de toute façon pas grandir sans subir d'épreuves. Et ces épreuves qui peu à peu forgent et trempent les âmes, Pixx n'en avait pas encore endurées à sa connaissance.
— Je ne suis pas là pour tuer un Paladin, moi. Je ne suis là pour tuer personne. Je suis là pour trouver les Backlash d'Aredhel ! Telle a toujours été ma seule intention.
Son idéalisme, son enthousiasme juvénile, ses espoirs naïfs se plaisaient encore et toujours à imaginer sa famille réunie autour de lui.
— J'espère que ta réalité sera moins décevante que la mienne, rétorqua Dusack. Reste que je te trouve plus brave qu'il y a quelques jours. J'aurais plutôt parié sur le contraire. Je pensais qu'affronter la noirceur du monde, la guerre, ses injustices et ses horreurs, t'aurait fragilisé davantage encore. Peut-être étais-tu prêt, finalement. J'insiste. Tu es surprenant.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Viễn tưởng« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...