— Lève-toi ! supplia une voix de femme au désespoir. Lève-toi, s'il te plaît !
Aucune réponse. Aucun mouvement. À peine un souffle de vie.
— Je t'en supplie, Ilfenn. Lève-toi !
Agenouillée aux côtés de la jeune prisonnière, Nellea lui tenait la main avec douceur, suivant de son index léger les lignes de sa paume. Elle la regarda en silence pendant ce qui lui sembla une éternité, alors que la lueur d'une torche mourante jetait des ombres sur son visage éteint. Ses yeux hésitaient, flottaient, allaient sans cesse de la peau trop blanche de son amie à son surcot déchiré et maculé de sang. Il cachait à peine son corps affaibli, amaigri par le jeûne. Les cheveux épars et les joues creusées par les pleurs, Ilfenn était épuisée de faim, de fatigue, d'émotions douloureuses. Seuls les faibles battements de son cœur épuisé prouvaient qu'elle vivait toujours. Bientôt de chaudes larmes tombèrent sur sa main. Des larmes de regret, de honte, de rage. Les poings de l'aédelfienne se crispèrent au souvenir de l'innocence perdue de son aspirante rebelle. Elle s'était fait emprisonner et torturer parce qu'elle n'avait pas su la protéger, la préserver de la colère des siens.
— Je suis tellement désolée...
La blondine poussa soudain un discret soupir, sans ouvrir les yeux. Mais ce soupir, si faible fût-il, fit renaître l'espoir dans le cœur meurtri de Nellea. Alors, elle voulut la secouer doucement pour la tirer de sa torpeur. Mais des bruits de pas se firent tout à coup entendre dans le couloir. Des pas vifs, pressés. Qui faisaient vibrer le sol. De plus en plus forts. De plus en plus proches. Dans un réflexe de survie, la jeune aédelfienne se jeta à terre, se mit en boule à côté d'Ilfenn et mima la mort. Tandis que son cœur battait à tout rompre, Solafein passa devant la porte ouverte. Sans s'arrêter. Une brume froide s'engouffra aussitôt dans la cellule, la faisant frissonner des pieds à la tête. Le claquement des talons du Paladin décrut peu à peu. Avant de s'évanouir dans le lointain. Une seconde passa, puis deux, dans un silence écrasant. Elle rouvrit les yeux, se releva lentement. Tout en sueur et en sang, elle mit quelques instants à reprendre son souffle. Son haleine dessina des petits nuages dans l'air devenu glacial.
— Nellea ? C'est bien toi ?
Un frisson la traversa de part en part. Elle se retourna. Toute grimaçante, Ilfenn s'était redressée sur ses coudes et la dévorait de ses yeux d'ambre avec un mélange confus de surprise, d'espoir et de doute. Sa poitrine se soulevait au rythme saccadé de sa respiration. Ses traits contractés s'adoucirent peu à peu. Un vague sourire erra même sur ses lèvres décolorées. Sans réfléchir, Nellea se rapprocha et la serra dans ses bras avec une infinie tendresse. Leurs têtes se heurtèrent doucement. Ilfenn se laissa faire comme pour puiser en elle la force dont elle avait tant besoin, avec cette certitude un peu naïve qu'elle ne serait jamais plus en sécurité qu'entre ses bras. Mais l'étreinte ne dura qu'un court instant. L'aédelfienne se dégagea et la fixa avec une expression émue, presque apitoyée.
— Ilfenn. Il faut partir d'ici. Tout de suite. Est-ce que tu peux marcher ?
La jeune femme la regarda avec des yeux ronds. Sa lèvre inférieure tremblait. Sur son front crasseux, un ensemble de cicatrices infectées, tortueuses, formait grossièrement le mot Vengeance gravé à la dague par Shura les jours précédents.
— Non, je ne pense pas.
Nellea eut d'abord un sourire triste, puis lui caressa la joue du pouce pour l'apaiser.
— Moi non plus. Je ne peux plus marcher depuis longtemps. Alors, allons-y. Sortons d'ici. Sortons de cet enfer ! Il y a un endroit pour nous, quelque part. La liberté, la paix et le calme nous attendent quelque part. Je le sais.
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Taïka - Les Brèches du Destin
Fantasía« Elles m'ont dit que j'avais de la chance. Que j'étais différente. Que je pouvais changer le cours de l'histoire. Que je portais l'espoir en moi. Je suis censée les croire sur parole, accepter mon destin. Mon avis ne compte pas. Je ne devrais même...