Chapitre 8.2

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J'ouvris la porte du bureau un peu trop brutalement, tel un ouragan, constatant aussitôt que la réunion avait déjà débuté. Mes collègues, qui me dévisagèrent s'étaient installés autour de la grande table en verre de forme ovale tandis que ma responsable, Madame Bonny, rédactrice en chef, approchant la cinquantaine, se tenait, elle, debout, près du grand tableau devant eux. Elle dissimulait derrière ses petites lunettes, des yeux soulignés d'un trait de crayon noir, lui donnant un air des plus autoritaires qui était accentué d'un carré blond plongeant. Dès mon entrée dans la pièce, cette dernière me fusilla du regard, j'aurais voulu disparaître à ce moment précis.

— Hé bien Reyes ! Vous allez rester plantée là ou bien vous décider à distribuer ces foutues copies que vous tenez dans vos mains ? siffla-t-elle d'une voix désagréable.

Je m'exécutai promptement en me confondant en excuses.

— Je suis désolée, les photocopies m'ont pris plus de temps que prévu...

Elle leva une main devant moi me faisant comprendre que je devais me taire.

— Seigneurs, ces stagiaires vont me rendre dingue, soupira-t-elle avant de continuer là où elle s'était arrêtée.

Tandis que je faisais le tour de table, mes collègues compatissaient chacun en m'encourageant avec de petits sourires bienveillants.

— Agustin, interpella Bonny, l'article sur l'affaire des détournements de fonds du député Malcom est-il bientôt achevé ?

Mon collègue passif au teint pâle, assis en face de moi, était un des rares à adopter une attitude décontractée et ne semblait guère atteint par l'autorité de sa supérieure.

— Il devrait être bouclé d'ici la fin de semaine prochaine, répondit-il, serein.

Je donnai à ce jeune homme la trentaine à tout casser. Agustin était sans aucun doute un véritable passionné et mordu de boulot. En effet, journaliste de terrain, il faisait lui-même la rédaction de ses propres articles. Bonny lui confiait les yeux fermés les investigations les plus importantes du magazine et ne pouvait se passer de lui, d'où son favoritisme flagrant à son encontre. Agustin, comme beaucoup d'autres journalistes de Californie, avait une admiration sans limites pour Black Shadow, d'ailleurs, ses meilleurs articles portaient sur Faïz. J'avais pu constater l'ampleur du phénomène maintenant que j'avais un pied dans le milieu de la presse. Chacun essayait d'obtenir l'exclusivité sur ce héros des temps modernes, ce qui me faisait bien entendu sourire de l'intérieur. J'étais la plus jeune dans cette pièce et même dans toute la boîte, peut-être était-ce la raison pour laquelle mon rôle se réduisait à faire des photocopies toute la journée, de la mise en page, traduire des vidéos ou courriers pour mes collègues. À vrai dire, rien de vraiment passionnant.

— C'est parfait Agustin, soupira-t-elle satisfaite.

Elle s'adressa ensuite à l'ensemble de l'équipe :

— J'aimerais aussi que vous planchiez chacun sur le prochain article à venir.

Bonny se retourna, son tailleur blanc et noir faisait parfaitement ressortir les courbes de sa mince silhouette. Sa main trouva un feutre rouge dont elle se servit pour écrire au tableau, en grosses lettres « TRAC-WORLD ». Mon sang ne fit qu'un tour, tous mes neurones se mirent à se connecter en même temps tandis que ma concentration, elle, était à son comble. Mon état soudain n'échappa pas à Agustin qui me jaugea d'un regard curieux.

— Bien, continua madame Bonny, tout le monde sait que cette année, ce géant pharmaceutique change de dirigeant. L'héritier...

Elle se mit à consulter ses notes posées sur le coin de la table face à elle, lunettes baissées sur le bout du nez en prenant quelques instants pour les parcourir puis elle reprit son discours :

— L'héritier se nomme Faïz Mattew. C'est l'événement à couvrir absolument. Il me faudrait pour l'occasion le plus d'informations possible... ah oui, la maison mère du groupe se trouve à New York. Ceci risque d'être un des articles les plus compliqués à réaliser sachant que la famille ne laisse jamais rien échapper dans la presse. Il y a visiblement toute une omerta autour de ce nom.

Lors de l'entretien, je n'avais pas tenu bon de stipuler l'endroit où je vivais, j'avais vaguement énoncé le nom d'Elora. Aucune adresse ne m'avait été demandée directement par ma supérieure, seule mon université lui importait, au vu de mon statut de stagiaire. Bonny conclut cette réunion en demandant à son équipe de tout mettre en œuvre pour obtenir un rendez-vous au sein de Trac-Word pour le prochain numéro. Celui qui y parviendrait décrocherait l'exclusivité de cet article.


Dark Faïz : Tout héros a sa légende [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant