Chapitre 8.5

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Quand je mis le pied dans la salle des bureaux open space, je sentis tous les regards se braquer sur moi. Les chuchotements sur mon passage n'étaient guère discrets et une certaine animosité flottait dans l'air. Merde, j'ai fait quoi encore ?

Je m'installai à mon bureau, épiée par mes collègues depuis mon retour de ma pause déjeuner, ce qui me déstabilisait complètement. Le contact entre les uns et les autres devait nous garantir une meilleure organisation dans notre travail et donc une communication au top. Tu parles ! En face de moi, Dillan, un jeune homme d'origine mexicaine à l'allure assez ronde et au visage enfantin, m'envoya un petit sourire, visiblement mal à l'aise de la situation provoquée par ses confrères. Celui-ci tourna aussitôt sa tête sur son poste afin de continuer son travail comme si sa carrière en dépendait.

— Tiens, tiens, la petite stagiaire arriviste nous fait enfin part de sa présence, siffla une voix derrière moi.

Agustin était planté là, les mains dans les poches, tiré à quatre épingles. Sûrement que son comportement détestable déstabilisait ses collègues, seulement, moi, j'étais difficilement impressionnable par des personnes n'ayant aucune autorité sur moi. J'en conviens que la Bonny me foutait la trouille, ce qui semblait normal vu que c'était ma patronne et que je devais lui rendre des comptes. Je n'étais que stagiaire, je me devais donc d'agir comme tel et accepter les remarques quelque peu irritantes de certains. Après tout, il ne me restait plus qu'un mois à travailler ici.

— Je peux t'aider à quelque chose Agustin ? Peut-être aimerais-tu savoir comment arrêter d'être un véritable connard avec les autres ? pensai-je au fond de moi.

— Bah voyons ! Voilà la petite stagiaire qui me propose son aide ! éclata ce dernier d'une voix furibonde.

Tout le monde nous fixait dans la pièce, je compris que personne ne viendrait s'interposer pour faire taire cet individu prétentieux. Je me calai au fond de mon siège et croisai les bras tout en le fixant droit dans les yeux.

— Je pense que ta mauvaise humeur est due au fait que madame Bonny ait confié le projet Trac-Word à une petite main, répliquai-je sans arriver à filtrer le ton de mes propos.

— Tu n'as encore rien prouvé ici Reyes, me menaça-t-il. Tu connais peut-être du beau monde, mais tu es comme ces chaussures Louboutin et ce sac à main hors de prix, que de l'artifice aux yeux. Je te souhaite bon courage.

Ça me démangeait de lui répondre, mais je choisis de l'ignorer en me retournant vers mon bureau pour vaquer à mes occupations. Maintenant, j'étais sûre d'une chose : Agustin attendait que je me plante littéralement sur ce projet. Je compris que ma carrière dans le milieu du journalisme dépendrait de mon travail rendu à Bonny dans une quinzaine de jours.

Je quittai So Home News un peu en retard ce soir-là, et pour cause, mes collègues m'avaient donné les corvées les plus ingrates. Je ne comptai plus le nombre de fois où l'on m'avait appelée cet après-midi pour refaire du café. Je soupçonnai Agustin d'avoir orchestré ces petits traitements de faveur à mon encontre ces dernières heures. William avait insisté pour me ramener à Elora et m'attendait au volant de sa berline. Il avait attaché ses cheveux en arrière comme j'aimais. Sa barbe de quelques jours lui donna une allure des plus séduisantes. En me voyant prendre place à côté de lui, il comprit immédiatement à l'expression de mon visage que ma journée avait été éprouvante.

— Hé, encore une mauvaise journée aujourd'hui ? me demanda-t-il d'une voix douce.

— Il y a eu du bon et du moins bon on va dire, murmurai-je.

— Ça va aller, il ne te reste plus que quelques semaines, après tu n'entendras plus parler de Miss Bugs Bonny.

Je ne pus m'empêcher de sourire, William arrivait toujours à trouver les mots pour me réconforter.

— C'est madame Bo-nn-y, articulai-je, amusée.

Il conduisit lentement, voulant passer le plus de temps possible avec moi. Je décidai alors d'amorcer doucement le sujet sur mon futur article.

— Il ne me reste plus très longtemps, mais j'aimerais garder une place chez So Home News pour peut-être plus tard.

— Et tu comptes t'y prendre comment Zoé ? C'est vrai, pour l'instant, ils ne te laissent toucher à rien sauf à la photocopieuse.

Piquée au vif, j'hésitai à lui révéler la nouvelle du jour sans y mettre les formes avant de me rétracter. Comment allait-il le prendre ? Pourquoi avais-je le sentiment de le trahir ? Je me revis dans le jardin où il m'avait emmenée, ce soir de Noël. J'avais presque été conquise à ce moment, devant la magie des éléments. N'importe quelle femme normale serait tombée amoureuse de lui après tout ça. Je me sentis minable.

— Dis-moi ce qui ne va pas ? Je vois bien qu'il y a autre chose qui te tracasse.

La moue inquiète de William m'obligea à lui dire la vérité, je ne parvins pas à faire semblant plus longtemps : il lisait en moi comme dans un livre ouvert.

— Écoute, on m'a donné un article à rédiger pour le numéro de février. Ça concerne Faïz et son futur poste de PDG chez Trac-World.

Il leva une main pour m'interrompre, l'air renfrogné :

— OK, mais en quoi ça me dérangerait ? Sur internet tu peux y trouver toutes les informations que tu veux.

— Pas seulement, je vais devoir passer un peu plus de temps avec lui, c'est un travail que je dois faire sur le terrain.

William me félicita en essayant de dissimuler tant bien que mal sa déception face à cette nouvelle. La mine sur son visage le trahit, la frustration qu'il éprouvait me déchira le cœur.

— C'est juste pour le boulot, insistai-je, peut-être pour me convaincre moi-même.

— J'aurais aimé te dire que je suis heureux pour toi et c'est le cas, mais le destin vous ramène toujours l'un à l'autre. J'imagine que tu avais le choix d'accepter ou non ce projet ?

— Où veux-tu en venir, Will ?

Nous étions déjà arrivés à Elora, dans la cour de la villa. Bon sang, le trajet était passé à toute vitesse ! Désormais, un silence lourd régnait à l'intérieur de la voiture, William finit par me parler :

— Je veux dire que ça t'arrange que ça soit comme ça Zoé, ne me dis pas que l'idée vient de ta chef. Tu as juste sauté sur l'occasion dès que tu as entendu le prénom de Faïz.

À présent, il me foudroyait du regard. Je restai complètement interloquée par sa réaction.

— Oui le sujet pouvait revenir à ce petit con d'Agustin si je n'avais pas saisi cette opportunité. C'était pour moi le seul moyen de faire enfin mes preuves dans cette boîte ! protestai-je en élevant la voix.

William marqua une pause puis regarda au-dessus de mon épaule, il salua quelqu'un un peu plus loin. En me retournant, j'aperçus Victoria qui s'avançait vers nous.

— Je dois prendre un peu de distance avec notre relation Zoé, soupira-t-il, tu sais où me trouver si tu as besoin de moi ou... si tu veux de moi.

Au moment où j'allais lui répondre, Victoria ouvrit ma portière.

— Bonjour vous deux, nous adressa-t-elle gaiement.

—Salut Vic, lui lança William le plus naturellement possible.

— Oh, je vous dérange ? s'excusa cette dernière en voyant ma mine décontenancée.

Elle me scruta, inquiète, et attendit ma réponse.

— Non du tout, répondis-je avec un sourire forcé, on avait fini.

Je descendis de la voiture puis me retournai vers William, toujours troublée par ses dernières paroles.

— Nous reparlerons de tout ça plus tard, déclarai-je à voix basse, je te souhaite une bonne soirée.

— À bientôt Zoé, prends soin de toi, conclut-il d'une voix dure.


Dark Faïz : Tout héros a sa légende [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant