Chapitre 13.6

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C'est alors que la chaîne hi-fi se mit en route toute seule, la voix cristalline de Maria Callas retentit dans le séjour, envahissant complètement l'espace. Je reconnus l'oiseau rare, chanté par celle-ci. Paniquée, je me mis à fouiller les tiroirs du meuble de l'entrée, sans rien y trouver. Je décidai de passer aux meubles qui se trouvaient dans le salon. En passant à côté de la chaîne hi-fi, j'essayai en vitesse d'éteindre le poste, mais rien n'y fit, Maria Callas me narguait. Je pris une seconde pour réfléchir à l'endroit où Lily aurait pu les ranger.

Mon regard se posa sur une étagère, la plus haute du meuble qui se trouvait près de l'écran de télévision. Je partis chercher un tabouret et réussis à attraper cette petite boîte blanche avec une clef dessinée dessus. Bonne pioche, en l'ouvrant je découvris un amas de jeux de clefs. Je trouvai rapidement celle du manoir, plus atypique que les autres. Je ne pris pas le temps de refermer la boîte ni de remettre le tabouret à sa place. Je me rendis à l'étage, dans ma chambre, au pas de course afin d'enfiler des baskets. Une fois celles-ci aux pieds, je dévalai à toute allure les escaliers et courus derechef vers la porte d'entrée avec Maria Callas qui semblait me poursuivre dans ma course.

La Mustang démarra au premier coup d'accélération que je mis, mon cœur battait à tout rompre. Le volant d'une main, je cherchai avec l'autre mon téléphone dans mon sac. Dans la précipitation, je le fis tomber à terre, impossible pour moi de baisser la tête une seconde et de quitter la route des yeux pour le ramasser. À plusieurs reprises, la voiture sembla glisser sur l'eau, mais ça ne me fit pas ralentir.

C'est à la lisière du chemin de forêt que je pris la peine de modérer ma conduite. Le véhicule avança avec peine dans la terre transformée en boue. Le charme de cet endroit avait soudain disparu, il y suintait une atmosphère terrifiante, presque apocalyptique. Le tonnerre grondait avec cette impression que le ciel allait se déchirer. Je devais me dépêcher de mettre le Callis à l'abri. Garée au plus près de l'entrée, je sortis de la voiture sans pouvoir me protéger des flots. J'avais récupéré mon téléphone que je tenais fortement dans les mains. Trempée de la tête aux pieds, j'ouvris la trappe du manoir, l'eau dégoulinait sur mon visage. J'avais l'impression de peser une tonne avec mes vêtements qui me collaient à la peau à cause de la pluie. Je m'attaquai à ces escaliers de pierre, d'abord en descendant les marches par deux puis par quatre. Une fois à l'intérieur, j'appuyai sur l'interrupteur afin d'y voir plus clair, tous les étages s'allumèrent en même temps. Je constatai, effrayée, que Callas résonnait aussi partout dans ce lieu, à l'acoustique unique.

Je mis ma tête entre mes mains, tout ceci n'était pas un hasard, on se jouait de moi. Quel message voulait-on me faire passer ? Le Callis devait sûrement encore se trouver dans la chambre de William. Avant de monter à l'étage, je jetai un coup d'œil furtif à mon portable, un frisson glacial me traversa le corps, dix-huit appels en absence de Faïz. Mon pouls ne se calmait pas, un mauvais pressentiment me parcourait l'échine. Il n'y avait du réseau qu'au dernier étage, je courus de toutes mes forces dans les escaliers du manoir, sans m'arrêter ni ralentir. J'arrivai au bout de ma course sans plus aucun souffle dans les poumons. D'ici, je ne perçus que faiblement les chants de la Diva. Je me traînai, la tête contre le mur, jusqu'à la chambre de William, ne tenant presque plus debout, assommée de douleur. J'entrai avec peine dans la pièce. Mon regard se posa aussitôt sur le bureau, le Callis y trônait. Il scintillait faiblement, telle une flamme sur le point de s'éteindre. Les mains tremblantes, je commençai à composer le numéro de Faïz sur mon téléphone lorsqu'un chuchotis, d'une voix que je reconnus, me parvint depuis un coin sombre de la pièce.

— Qu'il est bon de te revoir Zoé !

Je me figeai, terrifiée.

— C'est... impossible. Vous ne pouvez pas... ce lieu est sacré. Les forces du mal ne peuvent franchir ces murs.

J'entendis ses pas, dans ses énormes bottes, qui avançaient vers moi. Un bruit de chaînes lourdes qui raclaient le sol. Il apparut dans un faible halo de lumière qui éclairait cette chambre. Le Maestro, dans sa toute-puissance, venait de violer ce sanctuaire. Sa carrure imposante et démoniaque le rendait chimérique. Il était difficile de soutenir le regard sur ce visage déformé, fait de bouts de chairs et de croûtes à certains endroits. Ses yeux nous plongèrent dans les ténèbres sans fin. Au bout des chaînes qu'il tenait, son chien noir d'une taille colossale attendait impatiemment de se jeter sur moi. Un grognement épouvantable, émis par celui-ci, me fit sursauter. Cette bête, aux gencives saillantes et aux babines retroussées, laissait apparaître des crocs tranchants. Cette chose et son maître, motivés par la haine et la destruction, semblaient jouir d'une position de force. Le Maestro laissa alors échapper un ricanement diabolique.

— Mais Zoé, j'ai été invité.

Le ton de celui-ci, impossible à décrire, me donna froid dans le dos. Cette voix était tout, sauf humaine.

— Vous ne pouvez rien contre moi. Il n'y a que vous et moi ici et je sais pertinemment qu'il vous est impossible de me toucher. Vous n'êtes qu'une apparition dématérialisée.

Son immonde molosse se mit à aboyer tout en essayant de se dégager de ses chaînes, je reculai par réflexe. Le Maestro le retint en faisant claquer les chaînes au sol dans un bruit fracassant.

— Tu as une bonne répartie, pourtant je sens d'ici ta peur transpirer par chacun des pores de ta peau. La petite fête de samedi soir a été fort appréciée par un de mes petits soldats. Celui-ci m'a juste ouvert la porte.

— Je suis venue prendre le Callis. Je ne compte pas repartir sans lui, ni même le laisser entre vos mains. Votre tombeau, dans le désert du Nevada, est sur le point d'être trouvé. Vous quitterez bientôt ce monde à tout jamais. J'y veillerai.

Sa bête faisait des tours nerveux devant moi, attendant de se libérer. Mon pouls résonnait dans ma tête, prête à exploser.

— Nous nous ressemblons toi et moi, ajouta-t-il.

— Non ! affirmai-je avec aplomb.

— T'arrive-t-il de prier Zoé ? De croire en lui ? C'est bien ce que je pensais. Tu ne crois qu'au mal, vu que tu me vois. Pourquoi croire en celui, qui, a priori, t'as abandonnée ? Tu vois, on est pareils. Les ténèbres sont toujours plus faciles à percevoir, mais tu as ton libre arbitre, comme tout le monde sur Terre. L'humain néanmoins me fascine, il est capable de détruire ses congénères pour si peu de raisons, d'engendrer des monstres si on prend l'exemple des Léviathans. La chasse ici-bas est délicieuse, c'est un terrain de jeux incroyable.

— La faiblesse ne fait pas partie de moi. Si je crois au mal alors je crois forcément au bien, et ça, au-delà de ma croyance mystique.

— Alors il te faudra beaucoup de volonté et de cœur pour pardonner à ton Dieu !

— Pour lui pardonner ? Mais de quoi ?

— Je vais te dire ce qui va se passer.

Le Maestro marqua une pause en s'avança vers moi, traînant ses bottes sur le sol.

— Dans un instant, reprit-il, tu vas recevoir un appel de celui qui me cherche depuis tant d'années. Alors, tu seras obligée de faire le choix de laisser le Callis à sa place, car une course contre la mort débutera. Tu te mettras à supplier l'éternel de toutes tes forces, car c'est toujours dans le plus grand désarroi que vous, vous implorez son aide, prêts à lui donner votre âme, s'il réalise votre souhait. Malheureusement, il est souvent trop tard.

Dark Faïz : Tout héros a sa légende [ Terminé ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant